John Barnes
Cet Américain né en 1957 a suivi des études de sciences politiques et est consultant en sémiotique pour l'industrie et les affaires, et il aime aussi lire les thrillers géopolitiques de son époque. Des centres d'intérêt variés qui se ressentent dans ses romans.
Roman |
Date |
Intérêt |
Divertissement |
La mère des tempêtes (Mother of storms) |
1994 |
12/20 |
12/20 |
Roman paru chez Ailleurs et Demain (n°158) et au Livre de Poche (n°7235, préface de Gérard Klein consultable sur ce lien)
Le point de départ de ce roman tient dans les clathrates (ou hydrates de méthane) stockés dans les fonds océaniques ou sous le permafrost des régions arctiques. On sait que les changements climatiques peuvent conduire à libérer le méthane contenu dans ces réserves et à aggraver encore le réchauffement planétaire dans des proportions encore plus redoutables. Barnes évoque cette possibilité, mais il préfère accélérer le processus de manière un peu plus spectaculaire : c'est ici une frappe nucléaire préventive de l'ONU qui fait brusquement échapper les clathrates dans l'atmosphère.
La crédibilité de cet incident est encore pire si je vous donne les détails. En fait, l'ONU - considérée ici le plus souvent du point de vue nationaliste américain - était en train d'attaquer l'État de Sibérie, capitale Novokuznetsk, qui paraît peuplé en grande majorité de musulmans... Soit il s'est produit en trente ans (le livre se passe en 2028) de grands bouleversements dont Barnes oublie de nous donner la teneur, soit il ne s'est même pas renseigné sur la démographie de la Russie... Autant le dire tout de suite, on penche fortement pour la seconde hypothèse, et le traitement infligé à l'Europe n'est guère meilleur. Accessoirement, il est parfois amplifié par une traduction si littérale qu'elle en devient un contresens : on tique quelque peu - ou on sourit - en lisant que "la France est le dernier bastion du libéralisme en Europe".
C'est dommage, car l'objet principal du roman est amené de manière intéressante. Les explications scientifiques sur la formation et l'évolution des cyclones sont claires, didactiques, étonnamment agréables à suivre. C'est lorsque le cyclone Clem s'impose comme le personnage central que l'intrigue est la plus prenante. On a l'impression de suivre les phénomènes climatiques de façon encore plus complète que les "branchés" de la "XV" (cette TV "améliorée" où le spectateur éprouve directement les sensations des acteurs) suivent les tribulations sentimentalo-sexuelles de leur héroïne favorite.
Cela tient jusqu'à un certain point. Car Barnes en rajoute un peu trop dans la surenchère. Il amplifie chaque fois un peu plus les ordres de grandeur, et cela ne concerne pas tant le cyclone que l'expédition "divine" chargée de le combattre. C'est que les neurosciences ont elles aussi connu une évolution aussi rapide et mystérieuse que les déplacements des populations musulmanes de Russie... On tient là un pur roman-catastrophe, brutal, précipité dans son déroulement et dans son dénouement, ne s'embarrassant pas toujours de grandes subtilités, et un peu redondant dans son approche cynique.