James Blish (1921-1975)

 

Né dans le New Jersey, ce biologiste de formation était un universitaire brillant doté d'un esprit logique plus qu'émotionnel. Il a introduit nombre d'idées dans la science-fiction, et en particulier le concept de "pantropie" (décrit dans le recueil de nouvelles Semailles Humaines) qui désigne la modification génétique de l'homme pour s'adapter à tous les environnements qu'il sera amené à rencontrer dans l'espace. C'est l'inverse du terraforming qui consiste à modifier l'environnement pour le rendre vivable pour l'homme.

Outre le cycle des villes nomades, son autre grande œuvre est une série de trois romans - dont le Prix Hugo Un cas de conscience - dans laquelle il étudie les rapports entre la science et le surnaturel. Exilé en Angleterre en 1968, il a passé les dernières années de sa vie à écrire les premières novélisations de la série télé Star Trek, exemple de productions plus alimentaires qui ont constitué un versant important de son travail.

Par une cruelle ironie, James Blish, qui avait été chercheur au Tobacco Institute (le lobby américain des fabricants de tabac) dans les années soixante, est mort d'un cancer du poumon à 54 ans.

 

Le cycle des villes nomades

Date

Intérêt

Divertissement

Aux hommes les étoiles (They shall have stars)

1956

13/20

11/20

Villes nomades (A life for the stars)

1962

14/20

13/20

La Terre est une idée (Earthman, come home)

1955

14/20

11/20

Un coup de cymbales (A clash of cymbals)

1958

14/20

12/20

Romans parus chez Denoël dans la collection Présence du futur (n°80, n°98, n°103 et n°106), traduits par Michel Chrestien (I), Michel Demuth (II) et Michel Deutsch (III et IV).

Aux hommes les étoiles constitue une introduction au reste du cycle et relate la difficile naissance de l'ère spatiale à un moment où la recherche est étouffée par la paranoïa et la culture du secret, née des heures noires de la guerre froide. S'il a clairement puisé son inspiration dans son Amérique contemporaine, en proie au maccarthysme, pour concevoir ce roman, James Blish a aussi utilisé dans son histoire des théories scientifiques d'avant-garde sur la gravitation (du moins dans les années cinquante, même si elles ont été délaissées depuis) et les travaux les plus pointus des grands physiciens de l'époque comme Dirac. De là naîtra l'audacieuse machine sur lequel reposera l'ensemble du cycle, le "tournebouloche" (spindizzy). L'autre invention que le premier tome présente, ce sont les anti-agathiques, mis au point par les laboratoires Pfitzner (allusion à peine voilée à la compagnie pharmaceutique Pfizer pour laquelle Blish a travaillé).

Ces extrapolations, dont les sources transparentes sont à chercher des années cinquante, n'augurent en rien de la suite. Car, après ce simple prologue, on entre dans un space opera d'une autre dimension dans lequel Blish ne s'épargne aucune audace. L'humanité fait mieux que soulever des montagnes, elle soulève des villes (et ce n'est qu'un premier pas). Celles-ci, qui ont quitté la Terre ferme pour devenir nomades, parcourent l'espace à la manière de travailleurs itinérants qui forment le lien véritable entre ces colonies dispersées qui constituent la "frontière" - au sens de ce mot dans l'histoire américaine - de l'humanité. On entrevoit là le sujet central du cycle, cette espèce qui pour se donner un destin doit sans cesse repousser plus loin les limites, retarder la fin, rebondir. Il s'agit ici moins de "s'adapter" que de devancer le changement, de sentir où est l'avenir.

Manieur de concepts, Blish a une écriture assez austère et difficile. C'est surtout vrai dans le premier et dans le dernier roman du cycle. Les nombreux passages théoriques peuvent vite rebuter, et le lecteur ne doit pas craindre de tomber sur une équation... que l'éditeur français ne se soucie même pas de retranscrire correctement, laissant des coquilles à tout va. Les deux romans médians sont moins ardus de ce point de vue. Ils se découpent en saynètes au gré du parcours de l'héroïne du récit, la ville nomade de New York. À chacune de ses escales, le lecteur doit adhérer au problème posé pour ne pas lâcher.

Car dans ce genre de cycles reconstitués a posteriori alors qu'ils n'ont pas été écrits dans l'ordre chronologique même si l'idée d'ensemble existait, la continuité du récit n'est pas la qualité première. Le personnage principal du deuxième roman disparaît abruptement dans le suivant sans que l'on s'attarde sur son sort autrement que par une allusion indifférente... et pour cause puisque les deux tomes ont été écrits dans l'ordre antéchronologique et que Blish a donc juste utilisé un nom pour recréer a posteriori son histoire. C'est son défaut, ses personnages prennent peu d'épaisseur. Et quand il se rappelle d'eux dans le dernier opus pour une rédemption rétrospective, leurs sentiments surgissent de façon bien tardive car ils ont trop longtemps été désincarnés pour nous toucher.

 

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