La horde du contrevent

 

Roman paru aux éditions La Volte (créées exprès pour le publier), puis réédité chez Folio SF. Grand Prix de l'Imaginaire 2006.

Cas d'espèce d'un roman d'un jeune auteur, publié par un nouvel éditeur sous une forme audacieuse (accompagné d'une bande son originale) et a fait l'effet d'une traînée de poudre entre initiés. Une réputation accompagnée d'autant de mises en garde : son ambition déconcertera, sa narration à 23 voix désarçonnera.

C'est donc avec d'autant plus de surprise que l'on y entre en fait très facilement. L'usage de signes pour désigner les narrateurs est à la fois pratique et concis. Rares sont les œuvres de science-fiction qui sont aussi habiles dans cette étape-clé consistant à faire rentrer le lecteur dans leur univers. La clé de lecture est simple : tout est construit sur un élément, le vent, qui modèle un monde, qui impose un tempo, qui érode un langage, qui sculpte les hommes. La création est époustouflante.

Loin d'être déroutante, l'amorce est prometteuse. Avec le contrepoint forcé que cela implique, le risque de déception. Ce livre qui retrace les frontières des littératures de l'imaginaire emprunte malheureusement certains défauts spécifiques au roman de quête propre à la fantasy - la succession d'épreuves parfois répétitives - et certains travers propres à la science-fiction - des constructions théoriques métaphysiques parfois absconses.

Le dénouement, quant à lui, est d'une telle logique qu'il est très vite évident, mais cela ne nuit pas vraiment au récit. La tension scénaristique décroît parce qu'on en sait vite trop sur ce monde (c'est en quoi la comparaison avec Le monde inverti n'est que de façade tant les deux romans sont dissemblables), mais elle est compensée par des personnages qui prennent chair lorsque le récit se concentre sur quelques-uns d'entre eux.

Lorsque le roman cesse d'être un "tour de force", comme diraient nos amis anglo-saxons devant cette monumentale ambition, on reste ébloui par la force du tour... Si le vent est ponctuation, la pulsation de chaque personnage devient l'aérodynamique de l'écriture. Le style de Damasio est pluriel mais authentique, authentique parce que pluriel.

 

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