Cowboy Angels

 

Roman de Paul J. McAuley, paru dans la collection Ailleurs et Demain, traduit par Bernard Sigaud.

Les histoires d'univers parallèles s'inscrivent souvent dans la tradition SF du savant génial qui bricole dans son garage, ou bien dans celle du paumé qui ne comprend pas ce qui lui arrive. On y voit parfois quelques promeneurs se déplacer d'un univers à l'autre, mais ce type de SF centrée autour de quelques héros ignore qu'une découverte de cette ampleur ne peut se faire dans un labo secret. Elle implique des moyens colossaux, elle change la face du monde (des mondes) et elle a des conséquences politiques, économiques, culturelles, etc.

Paul McAuley est le premier à imaginer cet état de fait : il place son action dans une uchronie dans laquelle la Seconde Guerre Mondiale n'a pas eu lieu, et dans laquelle le pionnier britannique de l'informatique Alan Turing a émigré aux États-Unis. Cet univers se définit comme "le Réel" car c'est lui qui a inventé les portes qui permettent de passer dans les autres univers, dont le "faisceau Nixon", qui ressemble plus au nôtre si ce n'est qu'il a été influé par l'irruption de ses étrangers.

C'est là tout le sel : comme tout enjeu scientifique de cet ordre, ces portes de Turing ne sont évidemment pas une aimable curiosité. Elles sont avant tout un levier de pouvoir. Les tenants d'une Amérique de l'ingérence, dont le destin serait de diffuser ses valeurs partout dans le monde, imaginent alors une grande fraternité entre "leurs" Amériques, à travers les univers parallèles, quitte à renverser toutes les versions de l'Amérique qui ne leur plaisent pas : les méthodes de Kissinger au service d'une vision messianique qui confine à l'absurde.

Le livre commence alors que Jimmy Carter a été élu président et rompt avec les politiques de ses prédécesseurs républicains. Les services secrets doivent faire leur mea culpa, et l'Amérique redevient "isolationniste" (cette fois non plus au sens de ses relations avec les autres pays, mais avec les autres univers). Point de départ de l'intrigue : une ancienne barbouze à la retraite est rappelée par les autorités car son ex-partenaire est en train de trucider diverses versions d'une mathématicienne dans les différents univers connus.

Paul McAuley a donc ouvert un concept, celui d'une confédération s'étendant dans des "faisceaux" parallèles. La cohérence n'est pas évidente à trouver, mais c'est normal avec ce thème. L'ennui, c'est surtout que cette idée forte initiale n'aboutit en fin de compte qu'à une course-poursuite construite comme le plus banal des romans d'espionnage. McAuley effleure ses différents univers et nous livre un monde en N dimensions désespérément... plat !

 

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