Paul Di Filippo s'est rêvé écrivain dès l'âge de 17 ans, partant à Hawaï avec sa machine à écrire sous le bras. Il en est revenu trois mois plus tard pour rentrer dans son Rhode Island natal, état moins glamour de la Côte Est. Faire carrière dans l'écriture était moins simple que ce doux rêve, et il est passé par quelques étapes comme l'université et un emploi de programmeur en informatique, mais sa passion de la littérature et de la science-fiction n'autorisait pas d'autre aboutissement.

Il est arrivé en pleine mode cyberpunk, mais il percevait déjà les failles de ce passage obligé, et obliqua par le steampunk puis par le "ribofunk", un manifeste en forme de blague qu'il a rédigé pour prôner un genre plus biologique que le cyberpunk, prenant le contrepied du rejet du corps qui avait caractérisé ce mouvement. Passionné d'Histoire et donc auteur d'uchronies, Paul di Filippo manie avec aisance l'humour et même l'art du pastiche (Pages perdues).

Roman paru chez Ailleurs et Demain, traduit par Pierre-Paul Durastanti.

Kerry Hackett vit dans un monde crasseux et déglingué où seule son entreprise semble constituer un petit îlot de confort. Plutôt que de céder aux avances de son patron, elle s'introduit dans une salle de haute sécurité dont elle a l'accès et libère le benthique, un organisme totipotent avec laquelle elle fusionne. Capable de se transformer et de se modeler à volonté, elle prend le premier avion pour le Brésil et part vivre ses rêves de jungle dans un Nordeste brésilien empreint de tropicalisme rétro, où elle assouvit les fantasmes inavoués de ses nombreuses rencontres.

Di Filippo reprend le fil laissé par ses inspirateurs Farmer et Delany, celui de la science-fiction pornographique. À notre époque, la transgression ne se suffit plus à elle-même, même si le genre a évolué. La maturité du style est indéniable et permet d'aller bien au-delà. La crudité des scènes est sans équivoque, et pourra rebuter certaines personnes, mais elle ne contredit pas l'ambition littéraire, elle la sert.

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