Le dernier de son espèce

(titre original : Der Letzte seiner Art)

 

Roman d'Andreas Eschbach paru chez L'Atalante, traduit par Joséphine Bernhardt et Claire Duval. Prix Kurd-Laßwitz et prix allemand de science-fiction en 2004.

Comme dans La Métamorphose de Kafka, le roman commence par un réveil curieux. Mais ici, le héros, se découvrant aveugle et à moitié paralysé, se retape avec un gourdin. Cet homme qui réagit avec banalité à un quotidien monotone, c'est un soldat d'élite amélioré, un cyborg, à la retraite au fin fond de l'Irlande gaélique. Dans ce bled paumé de Dingle, il se croit retiré du monde, à l'abri des questions gênantes. Jusqu'à ce qu'il découvre qu'un homme obstiné aux traits asiatiques le cherche partout dans le village...

L'intrigue est brillamment amenée, avec un montage pièce par pièce puis un démontage en règle. C'est déjà le septième roman d'Eschbach (le neuvième en comptant ses ouvrages pour la jeunesse), et l'on désespérait de jamais se rapprocher du magnifique Des milliards de tapis de cheveux. Après tant de déceptions, on se rappelle grâce à ce roman qu'Eschbach est un grand écrivain, un artiste de la construction de récit dont la prose est sans esbroufe.

Qu'annoncent les citations de Sénèque mises en exergue en tête des chapitres ? Un héros qui trouve dans la philosophie stoïcienne des motifs d'accepter sa condition, d'assimiler la logique militaire qui l'a conduit là ? Au contraire, Eschbach finit par transcender à la fois les mythes des héros torturés et des dynamiteurs de système, par fissurer toutes les institutions américaines et par couper toutes les ficelles de l'intrigue pour donner tout son relief à une destinée humaine avant tout.

"Deux mille ans après Sénèque, nous honorons les vainqueurs et méprisons les perdants. Pour nous, le courage n'est que la faculté de surmonter cette peur qui nous empêche de remporter la victoire. Mais nous dénions toute valeur au courage sans la victoire, nous le tenons même pour ridicule. C'est pourquoi nous ne comprenons pas que le courage ne prend sa vraie dimension que face à la mort."

 

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