Évolution
Roman paru aux Presses de la Cité, traduit par Dominique Haas et Jean-Daniel Camus.
Impressionnant. C'est le premier sentiment qui vient à l'esprit devant cette somme de travail, ce récit complet - donc un peu monotone et parfois presque pontifiant - qui retrace quelques chapitres jugés pertinents dans la longue histoire des ascendants de l'homme (depuis les premiers mammifères)... et de ses descendants.
Tout est dans le titre : le sujet central est l'évolution, dont les mécanismes sont mis en lumière de façon argumentée. Le lecteur y acquiert un autre regard sur la géologie et sur la biologie. Les espèces familières, qu'on envisage toujours - même sans être créationniste - de façon figée, s'animent et prennent sens. Les théories deviennent moins abstraites.
Si ce n'était qu'un ouvrage de vulgarisation, la préoccupation principale résiderait dans le choix des étapes marquantes, pour lequel Stephen Baxter apporte sa propre vision qui ne recouvre pas certains passages obligés présumés : la maîtrise du feu y est évoquée de façon anecdotique, l'invention de l'écriture pas du tout. Cette dernière date est importante aujourd'hui pour l'historien, parce qu'au-delà, aucun élément ne permet de savoir quelle vision les hommes ont du monde. Retracer l'évolution des consciences relève alors fatalement de la théorie de l'auteur.
Cela ne peut donc pas être qu'un ouvrage de vulgarisation. Sa grande force, justement, est d'arriver à allier la rigueur scientifique et une réelle veine spéculative. Il décrit de manière audacieuse des espèces très originales, mais surtout il justifie qu'on n'ait pas pu en retrouver la moindre trace, ce qui laisse donc libre cours à son imagination. Cette réflexion sur les limites de notre connaissance du passé, en termes d'épistémologie et de sens critique, est hautement plus intéressante qu'un basique état de l'art. Elle pourrait presque définir une déontologie de l'écrivain de science-fiction, y compris de l'auteur de hard science qui ne s'aventure pas souvent sur ce genre de terrain.