Date d'expiration
( titre original : Expiration date)
Roman de Tim Powers, paru dans la collection J'ai Lu (n°4154), traduit par Isabelle St Martin.
Voilà un roman sans grande originalité : il ressemble à tous les romans américains actuels, avec ses histoires croisées à la Stephen King. Sauf que le suspense est quasi-nul, l'histoire sans intérêt et les personnages creux (tant leurs tourments psychologiques paraissent peu crédibles).
Le principe ? Simple : Los Angeles regorge de fantômes (vous n'étiez pas au courant ?), alors on les chasse, on les avale, ce qui permet d'engranger de l'énergie. Tout cela ne serait rien si Powers n'y trouvait pas des fondements scientifiques à la Ghostbusters (mais sans l'humour…). Le summum est l'utilisation du fantôme du pauvre Edison, qui n'a rien demandé, mais dont Powers se sert sans vergogne comme caution scientifique de l'affaire, nous expliquant qu'Edison y croyait dur comme fer ! C'est une triste habitude de Powers de récupérer les morts pour en faire matière à roman : les pauvres Dante, Houdini, etc, doivent se retourner dans leur tombe.
Pour remplir ses 600 pages syndicales, Powers transforme son roman en fourre-tout : il aime peut-être les palindromes ; alors on va dire que les chasseurs de fantômes s'en servent comme pièges, les ectoplasmes éprouvant pour ce genre de jeux une irrésistible attirance (ils savent bien qu'ils vont se faire prendre, mais, que voulez-vous, c'est magnétique !)
Pour vous épargner la peine de lire tout le roman, je vais quand même vous en ressortir les passages intéressants (sur 600 pages, il y en a quand même quelques-uns) :
Petit moment d'humour : << (…) un "test de créativité" qui l'avait achevée, où l'on vous proposait pour modèle de perfection la ménagère qui, confrontée à deux chaussettes dépareillées au sortir de la lessive, choisissait de (C) en faire des marionnettes au lieu de (A) les jeter ou (B) de s'en servir comme des chiffons.
Aucune des réponses proposées n'avait offert soit de "les brûler", soit de "les manger", ou encore de "les enterrer dans le jardin" ou de "les garder pour la nuit où vous auriez à répondre au coup de sonnette d'un inconnu aux chaussettes dépareillés >>.
A propos de Los Angeles : << Et si cette ville entière était morte mais trop distraite pour s'en être encore aperçue ? >>
Et une page intéressante (la 469... si vous y arrivez) sur nos habitudes funéraires qui se termine ainsi : << Pensez au Suaire de Turin! Où en serions-nous si on avait incinéré Jésus-Christ ?
- Je n'en sais rien… Ça donnerait le cendrier de Turin…>>
Si au moins Powers avait casé tout çà dans une nouvelle de 50 pages au lieu de succomber à la mode du pavé vide ! Mais tout s'écroule quand on lit des phrases du genre:
<< Telle la force de Van der Waals qui permet à un noyau d'atome d'exercer un léger effet magnétique lorsque les électrons qui l'entourent sont extrêmement pauvres en énergie, l'épuisement du vieil homme laissait son être véritable scintiller à travers le nuage d'intervenants et de simulations spectraux destinés à détourner l'attention. >>
On peut quand même se demander pourquoi Powers s'obstine à faire allusion à Lewis Carroll, tant il n'a ni l'humour, ni l'inventivité, ni l'originalité de ce dernier. Mais çà aussi, il l'explique (page 461) en concluant:
<< [Lewis Carroll] avait prise [Alice] en photo et il a enfermé son fantôme dans une bouteille de Leyde, comme Benjamin Franklin le faisait couramment. C'est elle qui a raconté toutes ces histoires à Lewis Carroll et il n'a eu qu'à les transcrire. >>
Arrivé là, on ne sait plus si on doit rire ou pleurer…