Les Cantos d'Hypérion
Hypérion
Ailleurs et Demain et, en poche, Pocket n°5578 et 5579, traduit par Guy Abadia. Prix Hugo 1990.
Sur la planète Hypérion, les Tombeaux du Temps menacent de s'ouvrir. On craint que le gritche, objet de culte pour certains, mais de terreur pour tous, ne se mette à faire des ravages. Les habitants veulent fuir, car il paraît de plus que les Extros veulent s'emparer de la planète. C'est dans ce contexte qu'un pèlerinage vers les Tombeaux du Temps s'effectue. Les sept pèlerins ne se connaissent pas, mais n'ont pas été sélectionnés au hasard. Chacun a son histoire propre et, au fur et à mesure qu'ils se dévoilent, il devient clair qu'ils ont tous une bonne raison pour aller (ou retourner) sur Hypérion.
Dan Simmons donne de la profondeur à ses personnages et parvient à adapter son style à chacun de leurs récits, des plus sobres aux plus ironiques (le ton badin du poète est particulièrement réussi), des plus légers aux plus poignants. Le point culminant en est sans doute le bouleversant récit du lettré, qui s'accompagne d'une réflexion sur le mythe d'Abraham. Comme quoi Simmons manie la souffrance, physique ou psychologique, sous toutes ses formes. Et son brasage astucieux de tous les thèmes qui ont fait la science-fiction qui en font un chef-d'œuvre.
Malgré tout, il présente aussi des invraisemblances : passe encore qu'un poisson-Babel (pardon, un persocom) parvienne à identifier et à traduire une phrase d'un langage inconnu qui est une lointaine déformation de l'anglais, mais il est difficilement crédible qu'il puisse, à l'écoute d'une seule phrase, reconstruire ledit langage et s'exprimer dans celui-ci... Le "récupérateur" Simmons a aussi hérité des tares d'une certaine SF, à savoir la naïveté et le manque de recul. C'est ainsi que ce roman galactique reste trop imprégné des XIXè et XXè siècles, dont les personnalités citées, de Churchill à Lincoln, sont quasi-exclusivement anglo-saxonnes... D'une manière générale, toutes les allusions à notre futur proche sont aussi peu originales que peu pertinentes. À l'heure où l'euro commençait déjà à se mettre en place, d'où Simmons a-t-il déterré les marks et les pfennigs ? En s'inspirant de tous les genres de la science-fiction, il aurait pu éviter celui qui consiste à lire l'avenir dans le marc de café d'un article lu dans le journal de la veille (sur la puissance économique du mark, par exemple, ou sur la croissance au Japon, décrit comme le premier pays à envoyer un homme sur Mars, hypothèse hautement improbable qui ferait sourire NASA et armée chinoise). Simmons ferait beaucoup mieux de s'en tenir à l'anticipation lointaine, où il excelle, car ces menus détails sont gênants dans ce qui est principalement un space opera épique.
La chute d'Hypérion
Ailleurs et Demain et, en poche, Pocket n°5580 et 5581, traduction de Guy Abadia. British SF Award 1992.
Dans Hypérion, Simmons faisait dire à Martin Silenus : "Les scénarios dislinéaires et la prose non contiguë ont leurs défenseurs, dont je ne suis pas le moindre, mais au bout du compte, mes amis, c'est le personnage qui gagne ou perd l'immortalité sur le vélin." De fait, l'enchevêtrement des récits de Severn/Keats et de ceux des pèlerins nuit tout d'abord au roman, même si ce défaut s'estompe dès que le rythme s'accélère. Il faut en effet dire que La chute d'Hypérion progresse constamment, et devient de plus en plus passionnant au fil des pages Il atteint son point culminant lors d'un dénouement qui explore un nouveau thème majeur de la SF, en nous donnant à réfléchir sur l'asservissement de l'humanité à ses machines et à sa technologie, et sur sa perte d'indépendance qui compromettrait sa survie en cas de crise. Quant aux théories mystiques qui suivent sur "l'amour intégré à la structure de l'univers", c'est une autre affaire...
Endymion
Ailleurs et Demain et, en poche, Pocket n°5681 et 5751, traduction de Guy Abadia.
Endymion est généralement considéré comme le moins bon de la série, dans la mesure où il n'est qu'un roman de transition vers L'éveil d'Endymion. Transition relativement longue et délayée, au cours d'un périple qui donne l'occasion à Simmons d'explorer quelque peu son univers à moindre frais.
L'éveil d'Endymion
Ailleurs et Demain et, en poche, Pocket n°5682 et 5760, traduction de Monique Lebailly.
L'éveil d'Endymion rappelle un peu la Chute d'Hypérion par sa structure crescendo, mais il déçoit quelque peu en devenant de plus en plus prévisible vers la fin, au fur et à mesure que le happy end se dévoile. La clôture du cycle, qui tente de reprendre certains personnages pour boucler la boucle à la manière de Fondation, n'est pas tout à fait à la hauteur. Occultons les cinquante dernières pages, et on obtient un kaléidoscope de la SF et un mélange de space opera et de mysticisme dont Simmons est passé maître.
Ce qui gâche un peu le roman (outre, d'un point de vue logique, les constantes références au XXè siècle, ou les absurdités par définition tels les "grizzlys au QI supérieur"), c'est aussi le changement de traducteur. Certains avaient déjà remarqué que Guy Abadia se contredisait lui-même, mais voilà que Monique Lebailly ne déroge pas à la tradition de ne surtout pas lire les tomes précédents, ce qui transforme les "salut, poilu" et "à plus tard, tête de lard" de Rachel en "À la revoyure, crocodile".