La nuit des temps

 

Scénario d'un film qu'André Cayatte a requis mais qu'il ne tournera jamais tourné, La nuit des temps décrit la découverte en Antarctique, dans les profondeurs des glaces, de vestiges d'une civilisation inconnue contenant deux corps endormis, un homme et une femme.

Dans une note de bas de page, l'auteur tient à préciser qu'il a écrit l'essentiel du texte en 1966 et que les révoltes estudiantines qu'il décrit préfiguraient donc Mai 68, année de parution du roman. Cette sensation aiguë d'un mouvement latent est à porter au crédit de Barjavel, mais ne fera jamais de lui un as de l'anticipation. La nuit des temps est plutôt en retard sur son époque, extrêmement marqué par les thèmes des années cinquante : la guerre froide, l'angoisse d'un conflit destructeur, le tout sur fond d'une croyance naïve dans l'énergie universelle. Et ne parlons même pas de sa description raciste des "blancs", "noirs" et "jaunes" distingués si facilement, comme dans les livres d'école de sa jeunesse, qu'il leur attribue des origines différentes.

Tout est si simple chez Barjavel : la technologie est une baguette magique sans matière première, les nations sont méchantes, les scientifiques sont idéalistes, et la jeune Soviétique se jette dans les bras de l'Américain rustre mais courageux. Sa crédibilité scientifique est proche du zéro absolu où il plonge les corps en hibernation. En tant que roman de science-fiction, il est donc médiocre, et les accusations de plagiat conscient ou inconscient d'un roman australien n'ont que peu d'importance vu la banalité des thèmes.

En tant que description romantique d'un amour idéal, en revanche, la naïveté devient une qualité et non un défaut, surtout quand elle s'inscrit dans une construction habile. On croit à l'histoire d'un amour impossible du point de vue du narrateur, mais elle se mue en un amour tragique sur lequel il ne saurait avoir aucune prise, ne parvenant même pas à le sauver. Poignant destin, suffisamment bien écrit pour rester longtemps encore un choix fétiche des professeurs de français de collège.

 

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