Ravage

 

Roman publié chez Denoël et Folio.

Paris, rendu prospère par le progrès technologique, sombre soudain dans le chaos par la disparition aussi soudaine qu'inexplicable de l'électricité. Les moteurs et les machines s'arrêtent. Le chef du gouvernement, un certain Tapinier (anagramme de Pétain + deux lettres), cherche vainement une solution tandis que le "chacun pour soi" règne dans les rues pour s'approvisionner en eau et en nourriture, denrées qui font cruellement défaut. Un groupe de survivants tente de s'organiser pour fuir.

La force de ce roman est sa dénonciation de la dépendance des hommes, ces asservis de la technologie impuissants à faire face à la moindre catastrophe. Quand la machinerie de la science et de l'économie déshumanisées est grippée, les conséquences sont dramatiques. Cette société dépendante, notamment le monde médiatique, est décrite par une anticipation souvent juste ("la télévision en relief et couleurs naturelles promenait ainsi, chaque soir, dans tous les foyers du monde, quelques belles filles nues. Ces spectacles hâtaient la pousse des adolescents, favorisaient les relations conjugales et prolongeaient les octogénaires.") et qui n'a que très peu vieilli.

Mais cette œuvre, qui n'est pas épargnée par les incohérences et les invraisemblances (durant sa description du périple de héros, qui, pour fuir la chaleur intolérable des incendies, se dirigent vers... la Provence, miraculeusement épargnée), aboutit en fin de compte à une utopie féodale fascisante, au fil des dernières pages au cours desquelles les mots "chef", "pur", "blond", "travail", "famille" deviennent récurrents.

Ce roman est représentatif de la première vague du "retour à la terre", proche des théories vichyssoises, prônant le retour à des valeurs paysannes et traditionnelles : "François a rétabli une religion basée sur l'amour de Dieu, de la famille et de la vérité [...] Il surveille avec fermeté le développement de la civilisation nouvelle et réprime sans pitié tout attentat à la douceur des mœurs." Barjavel, qui évoluera à la suite de ce premier roman, se rapprochera dans les années 70 de la deuxième vague, comportant bien moins d'arrière-pensées et d'idéologies, du retour à la terre.

 

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