Roma Æterna

(titre original : Roma Eterna)

 

Roman de Robert Silverberg, traduit par Bernard Sigaud, paru chez Ailleurs et Demain et au Livre de Poche.

Roma Æterna représente-t-il le retour d'un des plus fameux écrivains du genre ? Robert Silverberg, mais si, cet écrivain du siècle dernier... Plus sa carrière avance, plus il puise dans des méthodes et influences de l'âge d'or de la SF. Ce roman est en fait un collage de nouvelles publiées dans Isaac Asimov's Magazine, rassemblées a posteriori à la manière de Fondation. Ce n'est pas le seul point commun. On sait combien Asimov s'était inspiré de l'Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain d'Edward Gibbon. Les thèses de Silverberg s'inscrit dans la droite lignée de l'historien britannique du XVIIIe siècle qui décrivait une Rome tolérante et pointait le rôle du christianisme dans sa chute.

Donc, sans christianisme, pourquoi ne pas imaginer que l'Empire romain aurait perduré ? Tel est le principe de cet uchronie, dévoilé avec beaucoup de lourdeur dans le chapitre introductif. Le point de divergence historique est l'Exode manqué des Hébreux d'Egypte, bloqués à la Mer Rouge. C'est d'ailleurs l'idée de départ de l'ensemble, qui se fera plus claire dans le dernier chapitre, en fait la toute première nouvelle publiée.

La pesanteur du premier chapitre, un dialogue entre deux historiens qui se mettent à supposer que l'histoire pourrait prendre le cours que nous connaissons, trahit un peu le côté "l'uchronie à la portée des malcomprenants" de Silverberg. Hormis les noms latinisés, le parallélisme avec le monde que nous connaissons est un peu trop flagrant : les langues évoluent de la même façon (imaginer un équivalent au français et à l'espagnol sans unité nationale et pouvoir central semble hautement improbable...), Vienne est célèbre pour ses valses, les découvertes technologiques apparaissent au même moment, etc.

C'est qu'aucune réflexion sur l'histoire sociale et scientifique n'est proposée, un manque d'autant plus flagrant si on le compare avec une uchronie récente comme Chroniques des Années Noires. Entre Silverberg et Robinson, il y a une génération d'écart, surtout dans la profondeur du raisonnement et de la recherche.

Robert Silverberg, pour sa part, limite essentiellement son sujet à la cour impériale. Les intrigues y sont intéressantes, même si certains canevas reviennent : on a le droit deux fois au frère cadet jouisseur et soûlard qui se révèle un excellent empereur, notre Bobby se sentait-il donc le rejeton sous-estimé de sa famille ?

 

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