Zodiac

 

Zodiac... Marque d'un fabricant de bidules gonflables flottants très gourmands en carburant et pourtant devenus un symbole de l'action écologico-médiatique musclée dans les années 80. Ces années bénies où l'on n'avait pas encore conscience de la réalité et de la complexité de la menace du changement climatique, et où l'écologie se limitait à des coups d'éclat contre de méchants pollueurs aisément identifiables comme ceux issus de l'industrie chimique.

Les utilisateurs les plus célèbres de cet engin motorisé aquatique, l'organisation Greenpeace et l'éco-warrior Paul Watson, sont présents dans le roman de Stephenson sous les identités respectives du GIE et de Hank Boone. Le narrateur, Sangamon Taylor, est membre du premier et très attentif à ne pas être confondu avec le second. Il préfigure un personnage-type de Stephenson, une incarnation du hacker que l'on retrouvera dans Le samouraï virtuel : individualiste, arrogant, narcissique, méprisant un peut tout le monde et surtout ses confrères, mais extrêmement calé dans son domaine.

La seule différence avec les romans suivants de l'auteur et avec la mode de l'époque est que le domaine en question n'est pas l'informatique, mais la chimie. Une science potentiellement ennuyeuse à mourir, mais qui devient dynamique et passionnante sous la plume corrosive de Stephenson. Si certaines métaphores utilisées peuvent paraître un peu grossières, c'est aussi parce qu'elles reflètent le style du personnage qui les emploie, cette aisance verbale qui a réponse à tout et peut tout expliquer à tout public. Il faut quand même reconnaître qu'il y a chez Stephenson un sens de la formule percutante qui fait date, et le "principe de Sangamon" (selon lequel une molécule simple est plus "sûre" car plus prévisible qu'une molécule complexe) en est une parfaite illustration. Car le narrateur est en adéquation avec sa théorie jusque dans la drogue qu'il choisit de consommer, le protoxyde d'azote... Lequel N2O, soit dit en passant, est un puissant gaz à effet de serre puissants, et illustre que le mode de vie de Sangamon le cycliste casse-cou(...) est hautement néfaste à l'environnement.

Mais c'est justement ce qui fait l'intérêt du roman. Ce personnage principal volubile et peu aimable donne déjà l'occasion à Stephenson de déployer son art du sarcasme. Seul l'ego du narrateur est surdimensionné, car on n'est pas encore rendu dans les intrigues complexes aux multiples entrées qui feront la renommée de l'auteur. L'histoire est fondamentalement simple, avec ces activistes déterminés qui cherchent à couler des industriels à mi-chemin entre l'inconscience et l'irresponsabilité. La narration est linéaire, celle d'un thriller dans les canons du genre. C'est rapide, c'est efficace et ça passe bien à l'image. Comme un Zodiac, en somme.

 

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