Le dit d'Aka

(titre original : The Telling)

 

Roman d'Ursula Le Guin, traduit par Pierre-Paul Durastanti, paru chez Ailleurs et Demain et au Livre de Poche. Prix Locus 2001.

Née sur une Terre terrorisée par les intégristes de la religion uniste, Sutty est envoyée en observatrice de l'Ekumen sur Aka, planète victime des excès inverses : la spiritualité ancienne, bannie car sclérosante, y est réprimée au nom du progrès scientifique et technologique. Depuis que les habitants de la capitale ont découvert l'existence d'autres planètes et civilisations plus avancées que la leur, ils les érigent en modèles sans les connaître et cherchent à rattraper leur retard par tous les moyens en bâtissant une société de producteurs-consommateurs fondée sur l'efficacité et la productivité. Tout ce qui les détourne de cet objectif doit être brûlé et détruit, notamment le savoir ancien et les livres non hygiéniques.

La description de cette société pressée, ignorante des humanités et productiviste jusqu'à l'inhumanité, pourrait passer pour un procès en règle de l'impérialisme américain. Ce ne saurait être le cas puisqu'il s'agit d'un impérialisme... sans empire ! Le conformisme n'est en aucune façon imposé par quelque plan d'action, il naît simplement d'un mimétisme absurde de modèles mal compris ou déjà dépassés. La parabole ici concerne surtout la Chine communiste/capitaliste, où les idéologies venues de l'extérieur ont piétiné le taoïsme, auquel Le Guin voue un intérêt depuis son adolescence.

Le propos de Le Guin est que les sociétés évoluent par leurs contacts avec des modèles différents, mais que cette évolution est chaotique. La véritable perception d'autrui ne vient que d'une compréhension profonde de ses modes de pensée, indispensable pour dialoguer sans commettre d'impair... et trouver la "fêve".

 

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