L'âge de diamant

(titre original : The Diamond Age)

 

Roman paru au Livre de Poche, traduit par Jean Bonnefoy.

L'âge de diamant, c'est celui de la nanotechnologie, révolution technologique qui permettrait d'agir au niveau atomique et de transformer le carbone en diamant, rendant ce matériau plus commun que le verre. Un roman pour technophiles ? Le sous-titre "Manuel illustré pour l'éducation des jeunes filles" aurait de quoi déconcerter les fils du cyberpunk. Stephenson n'aime rien tant que brouiller les pistes. Il n'y aucun second degré dans ce titre parfaitement le descriptif : le sujet du roman est effectivement un manuel destiné à éduquer les jeunes filles de bonne famille, si ce n'est que ledit manuel est un concentré de technologie qui suscite bien des convoitises.

Après le Samouraï virtuel, roman post-cyberpunk décrivant un monde où tous les repères éthiques ont volé en éclats, l'opus suivant dans la bibliographie de l'Américain traite du thème le plus inattendu qui soit : la morale ! Certes, la déchéance des Etats qui se dessinait dans Snow Crash est achevée. Mais au moment où les sociologues décrivent la constitution de tribus comme une tendance forte de l'époque, Stephenson pousse cette logique plus loin. Il représente un monde où la cadre protecteur n'est plus la nation mais le "phyle", réseau international où les hommes se regroupent par allégeance et affinité. Et comme par hasard, les plus puissants de ces phyles sont ceux des "Hans" et des "Vickies", îlots de valeurs très traditionnelles (respectivement confucéennes et victoriennes) dans un monde sans foi ni loi. Neal Stephenson a donc tout le loisir de s'amuser avec ces décalages culturels. Mais malgré un terreau aussi fertile pour l'humour, c'est loin d'être son roman le plus drôle.

Il s'agirait plutôt d'un exercice de style brillant, croulant comme tout roman stephensonien sous les références technologiques, historiques, géographiques (une notion de la topographie du lieu de l'action Shanghaï n'est pas superflue) et littéraires. Les en-têtes de chapitres très descriptifs ne sont pas seulement dans la lignée des romans victoriens du XIXe siècle, c'est le même style qui est utilisé par Robert van Gulik dans ses enquêtes du juge Ti, dont une émanation - le juge Fang - participe aux scènes les plus savoureuses du roman. Scènes disséminées entre deux contes d'apprentissage qui finissent par alourdir le rythme de lecture... La construction intellectuelle est indéniable chez Stephenson, la construction littéraire l'est moins, et il faut repérer dans la trame fastidieuse les bonnes formules et idées.

 

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