Snow Crash (Le samouraï virtuel)

 

Ce roman a été publié (VO) dans la collection Bantam Books.

Le Snow Crash, virus à la fois biologique et informatique, est le virus par excellence, le plus puissant qui ait jamais existé, car il s'attaque directement au programme de base du cerveau humain. Son histoire se confond avec celle de l'humanité et il pourrait ressurgir à grande échelle comme à l'époque sumérienne. Dans un monde ultra-libéral complètement dérégulé, ce virus peut servir les intérêts privés d'un milliardaire évangéliste en quête de pouvoir, d'un vengeur des Aléoutiennes, de boat people asiatiques, et de la Mafia... Autant d'organisations qui vont se dresser en travers de la route de Hiro Protagoniste, un hacker spécialisé dans le maniement du katana et la livraison des pizzas, et de YT, une adolescente qui exerce le métier de coursier sur skateboard.

Avec ce roman, Neal Stephenson signe l'arrêt de mort du cyberpunk, ce mouvement né de passionnés de technologies de l'information dans les années 80, et ouvre la voie au post-cyberpunk, qui sortira des schémas convenus et répétitifs et élargira le champ de son imagination pour explorer les implications de la réalité virtuelle sous de nouveaux angles.

Là où de nombreux auteurs cyberpunk (comme Cadigan) tentaient sans succès d'ajouter une touche d'humour à leur univers, Stephenson y parvient avec une aisance enviable. Sa description d'un monde privatisé à l'extrême et soumis à la loi du plus fort est effectuée avec un grand naturel. L'impression de familiarité qui en résulte rend le décor beaucoup plus réaliste et permet au style ravageur de Stephenson de couler de source alors que ses prédécesseurs donnaient l'impression de forcer leur talent pour accoucher péniblement de pointes d'ironie épisodiques.

Certes, Stephenson conserve encore certains défauts du cyberpunk, à savoir d'une part une tendance à "informatomorphiser" l'homme, sa pensée et son langage, et d'autre part un manque d'émotions - ce qui est logique de par la nature même d'un monde individualisé à l'excès et complètement déshumanisé. Ces personnages sont cependant un peu plus vivants, même si c'est beaucoup par caricature.

Mais Stephenson a un considérable avantage sur le cyberpunk, c'est qu'il brasse beaucoup plus large et ne s'enferre pas sans cesse dans la réédition des mêmes thématiques. Il étend son propos à l'histoire, à la théologie, la mythologie, à la linguistique, et parvient à dérouler habilement un fil conducteur tout en conservant cette ouverture d'esprit, ce qui n'est pas le moindre de ses talents. Son œuvre est ainsi éminemment plus riche que le vase clos cyberpunk.

 

Retour au sommaire