Le cycle d'Ender

 

La stratégie Ender

Roman d'Orson Scott Card écrit en 1985, paru au Livre de Poche (n°7111), traduit par Daniel Lemoine. Prix Hugo et prix Nebula 1986.

Par deux fois, les doryphores sont venus jusque dans le Système Solaire attaquer l'humanité, qui a survécu à chaque guerre. Pour parer une nouvelle invasion, il faudra élever un stratège à la hauteur de ce défi. Suffisamment sensible pour ne pas être un monstre mais assez dur pour tuer. Encore faut-il que cette perle rare passe les étapes de l'éducation militaire et d'une vie collective où il ne devra pas compter sur la justice ou l'équité.

Ce roman a le mérite de montrer sans ambages la violence des relations entre les enfants. Lorsque celle-ci est exacerbée et exploitée à des fins militaires, le résultat est effrayant. La perversion du jeu, métaphore évidente du sport professionnel à l'américaine, et les stratégies employées sont intéressantes. De ce point de vue, cela ne fait aucun doute, ce roman est excellent.

Il est donc d'autant plus dommage que, en bon Américain, Orson Scott Card ne puisse s'empêcher de nous asséner des clichés nationaux lourdingues, par exemple lorsque le fier et ombrageux Espagnol qui tient à son honneur arrive avec ses gros sabots, et de nous faire sa petite crise de paranoïa sur le vilain Pacte de Varsovie qui s'étend "des Pays-Bas au Pakistan", limites si bizarres que j'aimerai bien qu'il m'explique comment il les a inventées.

 

La voix des morts

Roman d'Orson Scott Card écrit en 1986, paru au Livre de Poche (n°7115), traduit par Daniel Lemoine. Prix Hugo et prix Nebula 1987.

Cela fait trois mille ans que la guerre contre les doryphores est terminée. L'humanité a découvert une nouvelle espèce extraterrestre. Cette fois, il n'est plus question de commettre les mêmes erreurs et les hommes redoublent de prudence pour éviter la contamination culturelle... jusqu'au jour où un des xénologues chargés de les étudier est torturé à mort.

Le sujet central de cette suite, toute aussi prenante que le premier opus, est une réflexion sémantique autour du thème de l'étranger. Mais la distinction entre "raman" et "varelse" repose sur des considérations intellectuelles ou morales très exclusives qui ne sont définies qu'en rapport avec l'homme, aboutissant à une conception humanocentriste qui semble aller à l'encontre du but recherché, si l'on en croit le message moral que tente de faire passer Card au sujet des incompréhensions mutuelles, et qu'il élude quand il s'agit de l'appliquer aux autres animaux. Il paraît étrange de résumer l'intelligence à la possibilité de communiquer, car celle-ci n'est pas si évidente que veut nous le faire croire Card.

 

nocide

Roman paru chez Ailleurs et Demain, traduit par Bernard Sigaud.

Les menaces s'amoncellent sur Lusitania : la flotte envoyée par le congrès galactique pour mettre la planète au pas, et la descolada, virus chaque jour plus virulent, qui menace d'essaimer dans la galaxie si un vaisseau transportant humains, pequeninos ou doryphores quittait la planète. A-t-on le droit de neutraliser ce virus, qui est peut-être lui aussi intelligent, au risque de commettre un nouveau xénocide et de mettre à mal le cycle vital des pequeninos ?

Aïe ! Jusqu'ici, le mormon Card nous avait à peu près épargné les digressions philosophico-religieuses, excepté un couplet sur les calvinistes dans La voix des morts. Mais là, il s'embarque dans une extrapolation scientifique douteuse en expliquant la vie, le comportement humain, etc, à partir d'une particule élémentaire, le philote. "Il est plaisant de penser que l'unité humaine puisse avoir un analogue dans le monde physique" Plaisant, donc fumeux, car à prendre ses désirs pour des réalités... Card détourne la science pour appuyer ses théories qui établissent une distinction un peu facile entre l'organique et le minéral, et même entre la vie intelligente et la vie non intelligente. Il prétend qu'elles peuvent heurter des préjugés scientifiques, mais elle se fonde sur ses propres préjugés. Cette mystique du lien social (lequel est en réalité souvent plus poussé chez les animaux que chez les hommes, super-philotes ou pas) aboutit à une confusion dangereuse et à une description simpliste du monde.

Ce livre contient par ailleurs des réflexions intéressantes sur le secret d'état, la manipulation des hommes par la religion, mais il est dommage que les débats soient interrompus par l'explication philotique censée résoudre tous les problèmes. Tant et si bien que cela fait parfois un drôle d'effet : le débat sur le libre-arbitre est d'abord mené rationnellement et aboutit à une conclusion qui ne plaît pas aux personnages (ni à moi, je précise, mais là n'est pas la question). C'est alors qu'on se sert des philotes pour élaborer une théorie fumeuse pour contourner le problème. Délit de fuite caractérisé... À force d'être persuadé qu'il détient la clef de la Vie, l'Univers et le Reste, Card agace et même ennuie, car ce roman est également moins passionnant et plus décousu que les précédents.

 

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