Les enfants d'Icare

(titre original : Childhood's end)

 

Roman paru chez J'ai Lu (n°799), traduit par Michel Deutsch.

D'une certaine manière, le thème du roman est déjà contenu dans les premières pages : deux savants, un Américain et un Russe, les meilleurs de leur génération, s'affrontent à distance dans une course à la fusée. Quand ils voient débarquer d'immenses vaisseaux dans le ciel, ils comprennent en même temps la vanité de leur entreprise...

C'est la "fin de l'enfance" (le titre original du roman, soit dit en passant). Des tuteurs extraterrestres, qui refusent de dévoiler leur apparence et refusent de dire pourquoi, ménageant ainsi une bonne intrigue pour la première moitié du livre, s'occupent de pacifier en douceur l'humanité, confrontée au ridicule de ses grands idéaux et de ses petites querelles.

On pourra s'amuser en passant de la justesse avec laquelle Clarke parvient à extrapoler certains détails de la civilisation des loisirs de la fin du XXe siècle. Mais il est surtout ici question d'un thème plus profond, oublié à tort par les récits d'invasions extraterrestres : au lieu de se déchirer sur leur caractère belliqueux ou non, posons-nous la question philosophique du choc que représente pour l'humanité la découverte qu'une conscience supérieure la dépasse.

C'est paradoxalement Clarke, l'écrivain de la traque inlassable du mystère, qui exprime le mieux cette passivité liée à la prise de conscience de certaines limites infranchissables à l'évolution d'une civilisation. Les récits de la fin inéluctable ont déjà inspiré une prose mélancolique à plusieurs écrivains de SF, inspirés par l'inévitable Gibbon qui est d'ailleurs nommément cité dans ce roman. Mais chez Clarke, adepte invétéré du Grand Tout et de l'évolution assumée, même le cul-de-sac est un objet métaphysique.

 

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