L'image de pierre
(titre original : Il grande ritratto)
Roman paru dans la collection Les chefs d'œuvre de la science-fiction, avec préface de Pierre Versins, ainsi que chez 10/18.
Un professeur d'université est convoqué par le ministère de la défense. On lui propose de s'engager pour deux ans dans un projet d'extrême importance, avec des scientifiques de renom, mais sans que ses interlocuteurs soient en mesure de lui dire de quoi il s'agit, secret défense oblige. Le lecteur est donc autant dans l'expectative que le personnage principal, qu'il suit en direction d'une base militaire retranchée dans le relief montagneux des Dolomites, ce pays de Buzzati qui fait invariablement penser au Désert des Tartares.
Derrière cette façade d'absurdité administrative kafkaïenne se révèle par la suite un des premiers récits sur l'intelligence artificielle, à une époque où cette expression n'avait pas encore été inventée. Bien sûr, la vision de l'interface homme-machine est alors assez primaire et encore anthropocentriste, mais Buzzati pressent déjà le dilemme d'une humanité sans enveloppe corporelle (avec toutefois moins de cruauté qu'un Stanislaw Lem dont un éminent savant avait fait survivre le cerveau de sa femme totalement dépourvu de sensations) dont le mouvement cyberpunk fera ses choux gras trente ans plus tard.