Jack Barron et l'éternité

(titre original : Bug Jack Barron)

 

Roman paru chez Ailleurs et Demain et dans la collection Les chefs-d'œuvre de la science-fiction, traduit par Guy Abadia.

Jack Barron est un animateur télévisé doublé d'un redresseur de torts. Il se met au service des faibles et dénonce les puissants devant 100 millions de téléspectateurs et quelques sponsors aux anges. Mais il tient trop à sa place pour s'attaquer à des gens vraiment puissants et fortunés, tel Benedict Howards, le directeur de la Fondation pour l'Immortalité Humaine.

Pas de pseudo-héros des temps modernes chez Spinrad. Seulement des hommes avec leurs calculs, leur conscience et leurs désirs. Qui pourrait résister à la plus précieuse des monnaies d'échange - la vie éternelle) ? Un atout maître dans ce jeu cynique (malheureusement trop explicite, ce qui lui enlève son charme) qui a pour enjeux la vie, l'argent et le pouvoir. Dommage que la Providence intervienne sous la forme d'un être choisi au hasard parmi des milliers et qui se révèle être la bonne piste. Si les dés sont pipés, le jeu perd de son intérêt.

Pouvoir de l'argent contre pouvoir de l'image. Spinrad a dénoncé les compromissions inhérentes à toute forme de réussite sociale, à une époque où le cynisme était larvé et nié, bien avant qu'il ne devienne à la mode dans les années quatre-vingts. Quand ce texte est paru dans la revue britannique New Worlds de Michael Moorcock, il a déclenché la controverse jusqu'au parlement britannique, où un député l'a qualifié de "dépravé, cynique, hautement repoussant et parfaitement dégénéré" en s'offusquant que le British Arts Council subventionne cela indirectement. La revue qui avait révolutionné la science-fiction depuis la Grande-Bretagne, mais qui était en fait une minuscule structure désargentée, avait alors failli disparaître. Tout cela à cause de propos si banals aujourd'hui, ou peut-être en réalité de la façon qu'a Spinrad de mettre le pied dans le plat socio-politique. Depuis, les critiques des médias sont notre pain quotidien, mais ce ne sont plus que des redites. Trente-cinq ans plus tard, l'Amérique s'extasie ou s'indigne pour Michael Moore, qui joue très exactement à Jack Barron dans une émission télévisée hebdomadaire. Mais rien ne vaut l'original.

 

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