Les miroirs de l'esprit

(titre original : Mind Game)

Roman paru dans la collection Ailleurs et demain, et en poche dans la collection Pocket, traduit par Charles Canet.

Un ancien écrivain de science-fiction qui fonde une secte, laquelle devient une puissance financière et recrute à Hollywood, notamment grâce à un club pour célébrités... Cela ne vous rappelle rien ? Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé ne serait évidemment que purement fortuite et involontaire (mais pourtant si réaliste).

Toujours est-il que lorsque le réalisateur Jack Weller se rend compte un peu tard que sa femme le quitte pour rejoindre le Transformationalisme, il doit se rendre à l'évidence : il n'a d'autre choix que de jouer le jeu et d'infiltrer la secte... Et c'est que çà devient intéressant ! Parce que, s'il croyait jouer la comédie et duper tout son monde, c'est raté. Tout le monde est parfaitement au courant de ses intentions, et la partie n'en sera que plus difficile.

A l'image de son personnage parfois naïf et maladroit face aux machines employées par la secte, et pourtant si subtil dans ses répliques lors des entretiens, Spinrad souffle le chaud et le froid : il use ainsi de la comparaison amusante et inattendue, mais abuse de la métaphore lourdingue. Il s'engage dans un habile affrontement entre des esprits qui essaient de se manipuler et de se convaincre, puis part en vrille et finit par offrir au personnage une porte de sortie (du genre : "Oh, mais qu'est ce que c'est que cette liste négligemment posée sur la table ?") pitoyable de facilité. Comme Spinrad, on peut utiliser à loisir l'interrogation directe tant les questions posées par ce livre sont nombreuses : pourquoi, alors qu'il condamne vertement les méthodes, Spinrad est-il si complaisant envers les buts recherchés ? A-t-il lui même conservé une certaine fascination pour des formes douteuses du "progrès" de l'humanité ? Que penser de la fin ? Comment doit-on comprendre l'épigraphe ?

Vous l'aurez compris, ce roman est assez complexe. Je trouve quand même dommage que Spinrad n'ait pas encore plus exploité l'idée du jeu dangereux de l'homme qui doit convaincre des gens qui savent pertinemment qu'il joue la comédie. Je reste persuadé que l'on peut faire des variations intéressantes sur ce thème. Après cent pages, j'avais l'impression que ce livre allait être un exceptionnel jeu de dupes, et j'ai été au final légèrement déçu (en comparaison avec les espoirs que le début du roman avaient fait naître, tout du moins). Reste une dénonciation impeccable autant qu'implacable des méthodes de la S..., pardon, du Transformationalisme.

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