Spin
Roman de 2005, paru chez Denoël, traduit par Gilles Goullet. Prix Hugo 2006 et Grand Prix de l'Imaginaire du roman étranger en 2007.
Trois adolescents, les jumeaux Jason et Diane Lawton et le fils de leur femme de ménage Tyler Dupree (le narrateur), assistent la nuit à une soudaine disparition des étoiles : la Terre est isolée de l'extérieur ! Hé, Jason, si tu étais si surdoué qu'on le dit, tu aurais lu tout Greg Egan et aurais identifié le début d'Isolation... En fait, malgré quelques thématiques communes, les deux romans bâtis sur le même "pitch" n'ont cependant rien à voir. Et si la lecture de celui de Wilson peut être aussi intellectuellement stimulante qu'avec son homologue d'Egan (égaler l'Australien dans ce domaine n'étant pas une mince affaire), elle s'avère surtout bien plus humaine.
Wilson ajoute un second tour de force en éventant immédiatement la nature du "Spin", cette barrière qui ralentit le temps sur Terre par rapport au reste de la galaxie : le roman ne repose donc pas sur un mystère scientifique, sur une énigme physique. Il repose sur ses personnages, sur leurs réactions à la fatalité et sur leurs relations, bien plus que sur les idées de Jason et les manoeuvres de son père (dirigeant important dans le domaine spatio-industriel) pour vaincre et/ou utiliser ce "Spin". À la folie des délires religieux, attaquée par la SF depuis l'origine, Wilson n'oppose plus seulement la croyance technologique, manipulée avant tout par des jeux politico-financiers assez vains, mais aussi la lucidité humaine et la quête désespérée de sens.
Spin est le premier grand roman de science-fiction du troisième millénaire, au point de se voir attribuer un prix Hugo alors que les précédents ne récompensaient même plus de la véritable SF et semblaient avoir acté la mort du genre. N'est-il pas logique que ce premier roman marquant de la SF du XXIe siècle (prenons un terme plus modeste que celui du millénaire, car on n'est pas sûr que l'humanité aille jusque là...) soit celui d'une apocalypse lente ? Comme quoi la science-fiction n'a même pas besoin d'être métaphorique pour parler de son époque.