Super-Cannes

 

Roman paru chez Fayard, traduit par Philippe Delamare.

Pilote d'avion à qui on a retiré sa licence après un accident dont il est sorti blessé au genou, Paul Sinclair s'installe à Eden-Olympia, la "Silicon Valley européenne" située à proximité de Cannes, à la suite de sa femme qui y a obtenu un bon poste de pédiatre. Le couple fraîchement arrivé est installé dans la maison qui appartenait auparavant à David Greenwood, un homme qui a fait l'actualité quelques semaines plus tôt. Pris d'une crise de folie inexpliquée, ce cadre tranquille avait abattu une dizaine de personnalités importantes du parc d'activités avant de se donner la mort. Sinclair ne peut s'empêcher de s'interroger sur les motivations de son prédécesseur...

Ouvertement inspiré de Sophia-Antipolis, l'Eden-Olympia de Ballard est le prototype de ces grands pôles technologiques qui sont le fer de lance économique de nos sociétés. Les élites s'y regroupent en vase clos afin que chacun y donne le meilleur de soi-même. Le travail occupe une place centrale et la civilisation des loisirs est un concept aujourd'hui dépassé. Faute de temps et d'énergie, personne ne profite de la beauté du décor ou des multiples possibilités qu'offrent la région. Mais, pour ne pas subir de symptômes liés au stress, l'organisme humain a besoin de distractions. Wilder Penrose, le psychiatre d'Eden-Olympia, a une théorie sur le sujet. Il a découvert que la psychopathie est le remède le plus efficace contre les petits troubles du corps et de l'âme, qu'elle une véritable libération des désirs enfouis. Grâce à lui, une élite heureuse et productive est appelée à faire progresser l'humanité.

Cela fait trente ans que Ballard écrit la même chose. Comme dans Crash, dont on retrouve d'ailleurs l'argument au détour d'un frottement automobile ou d'une infirmité, il y a donc un initiateur effrayant et fascinant (Vaughan/Penrose) et un narrateur ambigu qui se découvre des attirances qu'il se cachait (Ballard/Sinclair). Mais depuis trente ans, les hommes n'ont nullement changé. Le sexe et la violence continuent de les obséder. Pourquoi Ballard changerait-il ? Il explore le même sujet, mais à chaque fois sous une facette différente, en explorant les différents biais par lesquels notre société nous ramène sans cesse à certaines pulsions viscérales. Et son regard présente toujours le même intérêt.

Voici ce que disait Ballard de ce roman dans le magazine Lire : "Quelqu'un qui installe un panneau routier 'Attention virage dangereux' n'est pas forcément pessimiste. Il m'arrive de montrer un panneau 'Attention virage dangereux - accélérer' en guise de test psychologique. Il peut révéler beaucoup chez le conducteur !"

 

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