Des milliards de tapis de cheveux

(titre original : Der Haarteppischknüpfer)

 

Roman d'Andreas Eschbach paru chez L'Atalante, traduit par Claire Duval.

Autour de Yennochia, tous les hommes tissent des tapis de cheveux, succédant ainsi à leurs pères et aux pères de leurs pères. Ils nouent délicatement les cheveux de leurs femmes et de leurs filles afin de réaliser cet ouvrage, qui nécessitera une vie entière de travail sans relâche, et qui est destiné à orner le palais de l'empereur. Alors comment écouter ces hérétiques qui prétendent que l'empereur a abdiqué ?

A travers de courts chapitres à la chute brutale et souvent désespérée (il est amusant de constater que le seul personnage porteur d'espoir à la fin d'un chapitre ne réapparaît plus dans les suivants), Eschbach tisse peu à peu les fils de son univers. Ainsi prend forme une société figée par l'obéissance et par un pouvoir omniprésent en chaque individu. Eschbach utilise de vieux clichés de la SF - un empire et des rebelles - pour mieux se départir du manichéisme que recouvrent ces termes et analyser les jeux pervers du pouvoir en laissant apparaître leur vanité. Le résultat est un excellent roman à la construction originale, réservant de multiples surprises, et servi par un style fluide et agréable.

Eschbach, dans ce roman, a l'avantage de s'imposer hors des cadres parfois répétitifs de la littérature anglo-saxonne, et de chercher à se créer son propre style. Si l'on tient malgré tout à lui trouver des influences, on pourrait à la rigueur se tourner vers le Polonais Stanislaw Lem (dont les œuvres de science-fiction ont trouvé en Allemagne leur patrie d'adoption), le châtiment cruel réservé au roi défait dans son palais n'étant pas sans rappeler le sort de la femme du professeur Décantor (dans les Mémoires d'Ijon Tichy).

Un roman dont la poésie n'a d'égal que la modestie apparente des ambitions, seule manière d'effleurer les dimensions d'un Empire. C'est par la minutie et non par la grandiloquence qu'Eschbach parvient à faire passer une idée de l'infini...

 

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