Téranésie

(titre original : Teranesia)

 

Roman paru dans la collection Aillaurs et Demain, traduit par Pierre-Paul Durastanti.

Prabir Suresh est le rejeton de scientifiques indiens rationalistes qui étudient de curieuses espèces mutantes de papillons sur un bout de terre de l'archipel des Moluques. Lorsque la vie paisible sur cette île isolée est dérangée par la guerre entre séparatistes et armée indonésienne, il doit cependant fuir, à neuf ans, avec sa petite sœur. Ils seront élevés par une famille lointaine au Canada, mais leur vocations trahiront leur destin et le poids du passé : pour elle, devenir biologiste, et pour lui... veiller sur sa sœur.

Lorsque les premières considérations trigonométriques commencent à la troisième page, on pense que c'est une mise en bouche et on s'accroche en prévision. À tort ! On peut en fait se détendre car la première moitié du roman est presque totalement dénuée de théories scientifiques. Egan se consacre, ô surprise, à donner de la profondeur à son personnage principal. Et il y parvient, le bougre. La psychologie est plus fouillée, sans que les idées soient abandonnées. Même si la hard science est entre parenthèses, l'Australien ne cloisonne pas sa pensée. De la finesse, de l'humour : c'est une autre facette de l'auteur que l'on découvre.

Bien sûr, les accros des méninges en fusion sont déjà en manque de fulgurances alambiquées. Qu'ils se rassurent, Egan n'a pas abandonné sa matière première pour autant. Même lorsque son sujet est l'évolution, il arrive à mâtiner son propos de physique quantique. Sur ce terrain glissant, la créativité du champ d'hypothèses fortifie plus l'esprit que la solution. La phrase finale peut décevoir ceux qui s'attendaient à un exposé à la conclusion imparable, mais elle s'inscrit totalement dans le cheminement d'Egan.

Egan est un génie : ça, c'était acquis depuis longtemps. Mais avec ce roman, il montre qu'il est aussi un écrivain.

 

Retour à la page Greg Egan