Le troupeau aveugle

(titre original : The sheep look up)

 

Roman de John Brunner, récemment réédité au Livre de Poche.

Tout d'abord, en tant que Français, décernons un blâme à John Brunner pour avoir contribué à l'échec de cette merveilleuse invention que le monde entier nous envie, j'ai nommé le Concorde. Il décrit en effet la catastrophe provoquée par une avalanche, due à un bang supersonique, qui engloutit une station du Colorado... Presque une bonne action tant celui-ci, comme le reste des États-Unis, est déjà bien mal en point.

En effet, ce roman est peut-être le plus pessimiste de John Brunner. Probablement parce que le sujet est celui qui se prête le plus au pessimisme, à savoir l'environnement, comme le montre l'épigraphe, qui décrit cet écriteau : "Prière de laisser la jetée propre : jetez vos déchets à la mer !"

On y apprend ainsi quelle est la première importation des États-Unis ("l'oxygène") et la première exportation ("les produits toxiques")... Brunner brosse un tableau sombre : la pollution omniprésente, la nourriture douteuse, les enfants tous plus ou moins malades, et même des produits industriels qui s'avèrent souvent dangereux pour l'utilisateur. Bref, une simple extrapolation de notre monde, pas forcément aussi judicieuse ni aussi inventive que les autres grandes œuvres de Brunner du fait de son catastrophisme forcé. Cette verve désabusée n'en est pas moins salutaire...

Pas pour les protagonistes du roman, certes. Car, malgré leur santé toujours plus détériorée, les Américains ont encore confiance en leurs valeurs et peu écoutent Austin Train, le militant écologiste qui essaie de les avertir. Et de toute façon, il est déjà trop tard, du moins pour eux... Notons que la seule touche optimiste du livre - ce relativisme géographique - est aujourd'hui caduque, à l'heure où la plus grande menace qui pèse sur l'humanité est de très loin le changement climatique, donc un phénomène global. L'optimisme se périmerait-il plus vite que le pessimisme.

Richard Lupoff, dans un fanzine américain, à propos de ce roman : "C'est un livre que devraient lire tous les directeurs de cabinet de Washington, tous les élus du Congrès, tous les chefs d'agences administratives ou judiciaires qui s'occupent d'affaires ayant trait à l'environnement, et tous les cadres supérieurs des grandes firmes du pays, voire du monde entier. Ça les rendrait malades de frousse, mais ça pourrait littéralement sauver le monde."

 

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