L'enfant de la fortune

(titre original : Child of Fortune)

 

Roman de 1985 de Norman Spinrad, paru chez Ailleurs et Demain puis au Livre de Poche, traduit par Guy Abadia.

Spinrad retourne aux sources éternelles de son adolescence hippie en la rêvant comme un idéal social reconnu : la révolte et l'enthousiasme de l'adolescent vus non plus comme une contre-culture mais comme une norme sociale. Il généralise pour cela à l'échelle galactique la tradition germanique du wanderjahr, pratiquée par les artisans qui partaient apprendre leur métier sur les routes (l'équivalent du compagnonnage français, mais qui a subsisté jusqu'à l'époque moderne). Ce principe intéressant permettra surtout à l'auteur de s'amuser. L'héroïne du roman de Spinrad, bien entendu, n'emportera dans sa trousse à outils qu'un gadget tantrique...

Le niveau de langue a toujours été une préoccupation de Spinrad, qui a rarement atteint un style aussi savoureux que dans ce roman : un style d'une grande préciosité, traduisant la haute opinion de soi de la narratrice, et qui emprunte des mots à de nombreuses langues pour évoluer en un "lingo" galactique multiforme. Le procédé avait déjà été employé selon la même logique dans son précédent roman situé dans un lointain futur, La Dernière Croisière du Dragon-Zéphir.

Malheureusement, les romans de Spinrad sont parfois atteints de... priapisme. La montée orgasmique est si plaisante devant les formes callipyges de cette littérature aux charmants atours, mais la pratique devient lassante lorsque le corpus finit par se répéter de façon mécanique (et encore la traduction française soumise à l'auteur a-t-elle réduit le texte originel, ouf).

Si le roman s'enferme dans son canevas Sex & Drugs & Again & Again, c'est qu'il n'a plus guère d'idées à proposer à partir du moment où la conclusion est écrite d'avance. La perpétuelle auto-congratulation du mode de vie gipsy/hippie est vite soûlante : cette ode à une vie supposée libre porte une contradiction intrinsèque tant ce prêchi-prêcha présente un caractère extrêmement normatif.

 

Retour à la page Norman Spinrad