La fontaine pétrifiante

(titre original : The affirmation)

 

Roman de Christopher Priest paru dans la collection Folio SF (n°128), traduit par Jacques Chambon.

Malgré la confiance en lui et en la société que lui a donnée son éducation bourgeoise, Peter Sinclair a perdu en quelques mois son père (décédé), son travail, sa compagne, et son appartement. Il se ressource alors à la campagne dans un cottage prêté par un ami de son père en échange de quelques travaux. Mais il a surtout besoin de se redéfinir, et se lance dans la rédaction de ses mémoires, dont il change noms et lieux pour les situer dans une création de son imagination, l'Archipel du Rêve. Le personnage de son histoire a gagné une loterie dont le gros lot est l'immortalité, au prix de la perte de la mémoire. Il doit donc consigner ses souvenirs par écrit, mais dans ceux-ci il évoque des lieux inconnus comme "Londres" ou "l'Angleterre" au lieu de son vrai passé...

Christopher Priest se livre à son jeu favori, naviguer entre des réalités entremêlées et en questionner la trame. Bien sûr, on évoque Philip K. Dick, le spécialiste en la matière. Mais les deux écrivains ont des approches complètement opposées. Chez Dick, la quête est philosophique et métaphysique, les doutes exprimés sur la réalité sont la traduction de ses angoisses, les failles observées sont des traumatismes obsédants qu'il faut explorer sans relâche. Chez Priest, au contraire, la quête est purement personnelle et introspective, la remise en cause de la réalité est une liberté, un voyage onirique effectué dans le temps de l'écriture et propre à la création artistique.

Proposant une genèse possible de l'Archipel du Rêve, La fontaine pétrifiante traite du travail de l'écrivain, mais aussi de l'incompréhension de l'entourage envers ce rapport à l'imaginaire, qui a ceci de particulier chez Priest qu'il n'enferme pas son lecteur dans un schéma, mais le laisse voguer en toute légèreté jusqu'à une conclusion ouverte, à déconseiller aux obsessionnels pointilleux de la vérité sous peine de migraines, mais à recommander à tous ceux qui sauront apprécier la poésie de cet univers (oh pardon, sacrilège, de ces univers, voulais-je dire) à part dans la SF.

 

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