Frankenstein délivré
(titre original : Frankenstein unbound)
Roman paru chez Pocket Science-Fiction (n° 5031), traduit par Jacques Polanis.
Une guerre nucléaire pourtant effectuée par sécurité aux environs de la Lune a quelque peu déréglé l'espace-temps de 2020, et le pauvre Bodenland se retrouve emporté par un glissement temporel en l'année 1816. Au cours de son périple, il rencontrera à la fois Victor Frankenstein, sa créature... et sa créatrice.
Dans les premiers chapitres, Aldiss tient le pari difficile consistant à réaliser un roman inspiré d'une œuvre (un hommage, et pas une adaptation, s'entend) sans redite ni trahison, tout du moins sur le plan stylistique, où il parvient à conjuguer classicisme et modernité. Ensuite, Aldiss ne se gène pas pour plonger à fond dans l'irrévérence, notamment lorsqu'il décrit les divers occupants de la Villa Diodati (c'est qu'elle cause bizarre, la Mary : "Mêlons l'éclat de votre soleil et mon clair de lune"), mais avec un ton si forcé que le côté purement humoristique de la chose ne peut échapper à personne. Ce n'est pas la moindre force de ce roman que d'utiliser ce genre de changement de ton, et il apparaît ainsi tout aussi insaisissable et fuyant que le temps. Aldiss réussit à désorienter le lecteur qui peut se poser des questions sur le but de l'œuvre, laquelle reste avant tout une réflexion sur le rôle de la science, prouvant ainsi que le roman de Mary Shelley est plus que jamais d'actualité. En fin de compte, en ce qui concerne les romans renvoyant à cette période, je préfère celui-ci au plus coté Les voies d'Anubis de Tim Powers.
Pour bien apprécier ce roman, il vaut quand même évidemment mieux avoir lu auparavant Frankenstein de Mary Shelley. Aldiss, dans son essai intitulé Billion Year Spree, considère ce dernier comme le point de départ de la science-fiction moderne.