Peter F. Hamilton

 

Peter F. Hamilton, né en 1960, fait partie des auteurs qui ont ressuscité le space opera au tournant du siècle. Sa première fiction longue est la trilogie Greg Mandel, du nom d'un psycho-détective dans une Angleterre marquée par les effets d'une dictature communiste et du changement climatique. Ensuite, il se consacre à construire des univers étendus dans des chronologies détaillées : après l'Aube de la nuit, roman unique multi-tomes à lire d'une traite qui a fait son succès, il a bâti ses œuvres suivantes dans un autre univers cohérent (la Saga du Commonwealth puis la Trilogie du Vide).

 

L'aube de la nuit (The Night's Dawn Trilogy)

Date

Intérêt

Divertissement

Rupture dans le réel : Émergence / Expansion (The Reality Dysfunction)

1996

13/20

14/20

L'alchimiste du neutronium : Consolidation / Conflit (The Neutronium Alchemist)

1997

13/20

13/20

Le Dieu nu : Résistance / Révélation (The Naked God)

1999

13/20

14/20

Trilogie parue chez Ailleurs et Demain, chaque partie de la trilogie étant elle-même découpée en deux (voire trois) tomes selon les rééditions. Traduction de Jean-Daniel Brèque.

L'aube de la nuit, c'est un peu le comble du plaisir pour le boulimique de space opera, qui y trouvera tout ce qu'il n'aurait pas osé demander : des extraterrestres originaux, des batailles spatiales, des personnages à foison, des intrigues politiques, et de fraîches nouvelles planètes où le valeureux pionnier fuyant les poches de vie de la Terre surpeuplée découvrira l'infinie variété des possibles (l'humidité, la boue, le travail exténuant, la misère...). Un univers pareil attire même les morts, qui profitent d'une discontinuité dans le réalité pour en profiter eux aussi. Problème, ni eux ni les vivants ne semblent très partageurs...

Pour résoudre un tel conflit, il faudra bien quatre mille pages, et vous obtenez alors les pavés capables de rivaliser en poids sur les rayonnages avec les sagas de heroic fantasy. Bref, le grand retour du space opera, le char d'assaut derrière lequel la science-fiction, battue en brèche par les coups de massue des trolls, contre-attaque.

Il y a cependant une différence fondamentale avec la SF à papa. "L'âge d'or" était emprunt d'universalisme, même si c'est en grande partie par incapacité à concevoir la diversité. L'aube de la nuit est le produit d'une fin de siècle désenchantée : chez Hamilton, le communautarisme a tué les premières expériences d'expansion et l'humanité a donc essaimé en se partageant la galaxie en planètes partageant la même culture : une logique nationale poussée à l'absurde car on voit mal comment certains concepts nonchalamment cités par Hamilton survivraient hors de leurs frontières d'origine. Qu'est-ce qu'une planète de peuplement "helvéto-ethnique" ou "canado-ethnique" ? La place de la langue dans la culture semble échapper à Hamilton. Pas étonnant de la part de cet "anglo", dirait André Duchamp. Les auteurs de l'âge d'or auraient scrupuleusement banni ces références contemporaines ridicules so british (à la mention du thé Twinings, tonton Campbell aurait pouffé et biffé).

Parmi ces nations repliées, une seule s'est détachée de ses racines terrestres pour fonder une culture "hors sol" : les Édénistes, parce qu'ils ont adopté la biotechnologie que les religions et le reste de l'humanité (les Adamistes) ont proscrite. Le lien d'affinité leur permet de communiquer leurs pensées et leurs émotions à distance, et ils restent liés dans la multiplicité à leur mort. Faut-il en conclure en paraphrasant Sartre que "L'Édénisme est un humanisme" ?

Pour le savoir, il faut suivre les aventures de Joshua Calvert, jeune aventurier coureur de jupons qui va forcément s'assagir, de Quinn Dexter, le seul vrai adepte de la Secte du Frère de Dieu qui croit vraiment à son messie satanique, d'Al Capone et de leurs copains (oui, les morts fournissent des personnages tout faits à la SF depuis le Monde du fleuve) dans ce qui est certainement l'univers le plus riche, le plus fouillé et le plus ambitieux depuis bien longtemps.

 

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