Le grand livre

(titre original : Doomsday book)

 

Roman paru chez J'ai Lu, traduit par Jean-Pierre Pugi. Prix Hugo et Nebula 1993.

Le voyage dans le temps est encore une technologie nouvelle au milieu de XXIe siècle, et la première priorité dans le choix d'une époque est son degré de sécurité pour l'historien. Lorsque Kivrin est autorisée à partir pour le quatorzième siècle, en des temps dangereux pour les jeunes filles où les conditions de vie étaient précaires et l'espérance de vie faible, son directeur de thèse, le professeur Dunworthy, affolé de tant de précipitation de la part du département d'histoire médiévale, s'inquiète pour sa protégée. Il a raison, car de multiples dangers et problèmes vont surgir, mais pas ceux auxquels il s'attendait. Non seulement Kivrin se retrouve perdue, mais en plus l'Oxford contemporain est frappé par une épidémie qui relègue au second plan l'historienne envoyée dans le passé.

Connie Willis réussit à plonger son lecteur dans le Moyen-Âge "réel", confrontant la théorie et les connaissances académiques communément admises avec la vie quotidienne vue de l'intérieur. Il ne s'agit pas tant de discuter de controverses historiques, ni même de recréer le plus fidèlement possible la vie d'une famille médiévale (comme a su le faire l'excellent Robert Merle dans sa Fortune de France), mais plutôt de partager la vision du monde des gens de l'époque, et en particulier leur rapport à la mort. Cette attention aux détails et aux contrariétés domestiques donne tout son intérêt à une partie historique indubitablement réussie, qui salue aussi la foi, le courage et l'humanité profonde des héros anonymes.

Mais l'ennui, c'est que ce "grand livre" est aussi un "gros livre". Willis a construit sa technique de voyage temporel de telle manière qu'elle s'en sert pour développer deux intrigues parallèles. Or, celles-ci avancent à un rythme plus lent qu'un soap-opera, et "l'action" située dans le présent tire un peu trop à la corde (de carillon) sur des personnages très stéréotypés. De plus, Connie Willis a un gros défaut, elle laisse toujours des indices évidents qui font que tout le monde a anticipé l'explication suivante avant qu'elle ne survienne (un défaut que l'on retrouvera dans Sans parler du chien). Elle pense peut-être que le lecteur éprouvera une grande satisfaction à se trouver malin, mais cela ne fait que renforcer son ennui à subir un roman qui traîne en longueur.

 

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