Rock Machine
Roman de Norman Spinrad, paru au Livre de Poche (n°7166), traduit par Isabelle Delord-Philippe.
Spinrad avait déjà eu l'occasion de dresser un portrait cinglant d'un New York à deux visages dans sa nouvelle Chair à pavé, et il reprend ici le même point de vue où la violence du verbe et de la pensée - conséquence de la violence sociale - se mâtine d'une langue hispanisante. Mais il va plus loin en rapprochant encore les deux mondes antagonistes, en les faisant coexister, toujours dans l'ignorance l'un de l'autre, à un simple coin de rue d'intervalle, séparés par une ligne imaginaire - mais néanmoins protégée par des vigiles en armes.
Dans ce monde, il y a ceux qui n'ont rien et qui sont des parias, et ceux qui s'imaginent encore tenir le haut du pavé, entretenant l'illusion qu'ils peuvent faire partie d'une haute société de plus en plus exclusive, où ils n'ont en réalité pas leur place, pas assez beaux, pas assez riches, pas assez puissants. Mais les uns et les autres peuvent se découvrir ponctuellement des intérêts communs dans leur lutte pour exister. Le catalyseur, c'est une révolution née d'une version du sex, drugs & rock'n'roll adaptée à l'ère électronique. Et comme on est chez Spinrad, c'est le système lui-même - représenté par une de ses émanations les plus inhumaines, la multinationale MUZIK qui a tué la création musicale - qui crée sans le savoir, par sa soif médiatique et sa cupidité aveugle, les clefs de sa propre destruction.
On pourrait se laisser prendre à cette révolution qui échappe à leurs auteurs, à ce chaos qui commence à s'immiscer dans des media plus figés que jamais... si ce roman était amputé de ses moins bonnes feuilles, soit au minimum trois cents pages. Alors qu'il n'habitait pas encore Paris, le sieur Spinrad croyait-il déjà que la révolution ne se fait qu'avec des pavés ? Celui-ci est trop lourd, redondant jusqu'à l'écœurement, qui vient forcément au vingtième ou au trentième trip musical utilisant les mêmes ficelles. Bien sûr, c'est du Spinrad, plus spinradien que jamais, mais même dans les vieilles marmites il ne faut pas servir sans cesse la même soupe. Car trop, c'est trop.