Eric Frank Russell (1905-1978)

 

Cet auteur britannique a fait carrière à travers les revues (américaines) de l'Âge d'or, et en particulier Astounding, qui a publié la grande majorité de ses nouvelles. Il a de ce fait été presque assimilé à un auteur américain, car il partageait une vision du monde qui rejoint grandement les mythes fondateurs des États-Unis : méfiance envers toute forme de bureaucratie et d'Etat, et donc éloge de l'initiative du héros mâle (l'absence de personnages féminins est flagrante chez Russell) et farouchement individualiste.

Il y a en revanche un point qui distingue Russell de ses contemporains de la même veine (c'est-à-dire Heinlein & co, on ne compte évidemment pas Asimov et ses Futurians "gauchistes"), c'est son rejet marqué de la violence. Son autre signe distinctif, c'est son esprit sarcastique qui emprunte à la tradition humoristique britannique mais était rare dans la SF des années 30 et 40 qui se prenait au sérieux : c'est pourquoi son compatriote Aldiss l'a décrit comme le "bouffon autorisé de Campbell" dans son histoire de la science-fiction.

Russell est un écrivain relativement oublié, et en plus c'est un personnage assez secret et d'un naturel grincheux, qui a régulièrement brûlé ses manuscrits. C'est donc une relative gageure de la part d'un certain John Ingham d'avoir publié sa biographie en 2010.

 

Date

Intérêt

Divertissement

Guêpe (Wasp)

1958

12/20

13/20

Plus X (Next of Kin)

1959

11/20

11/20

Courts romans parus ensemble en 1974 dans un volume des éditions Opta.

"L'homme d'action crée sa chance, et ne reste pas assis dans son coin à prier qu'elle lui tombe sur les genoux", écrit Eric Frank Russell dans Plus X. Cette phrase, qui est quasiment un manifeste libertarien, s'applique parfaitement à ses héros, inadaptés à la discipline militaire et envoyés seuls derrière les lignes ennemies.

La trame est en effet plus ou moins la même dans ces deux courts romans, qui s'inscrivent tous deux dans le cadre de guerres interstellaires. Dans Guêpe, le personnage est envoyé s'infiltrer sur une planète reculée des Siriens pour consommer leurs forces à l'arrière par des actes de sabotage et de propagande. Dans Plus X, il est chargé de missions de reconnaissance le plus loin possible.

Ce héros solitaire pourrait ressembler à ceux de Vance, mais ce dernier se distingue par la richesse des univers et des descriptions de sociétés extraterrestres. Russell n'a guère d'imagination en la matière : la police militaire sirienne (le Kaïtempi) est un dérivé direct de la "Gestapo japonaise", le Kempeitai, et les geôliers de Plus X sont tout aussi tristement banals pour les Terriens. L'intérêt des romans reposent donc sur l'inventivité du héros pour se sortir de situations difficiles... ou plutôt pour en provoquer.

Cette dynamique de l'action fonctionne très bien dans Guêpe, où ces trépidantes aventures sont rendues presque crédibles. C'est encore aujourd'hui le roman le plus connu de Russell : Neil Gaiman travaillait encore sur une adaptation ciné avant que le 11 septembre 2001 lui fasse renoncer à ses plans, car l'idée d'un héros "terroriste" était devenue invendable. Le résultat est beaucoup moins convaincant dans Plus X. On comprend mieux pourquoi quand l'on sait que la partie finale - celle qui contient l'idée forte - était la nouvelle originelle (The Space Willies) et qu'elle a ensuite été doublée en longueur. L'introduction de 80 pages pose un héros un brin arrogant et sentencieux (à l'instar de la citation ci-avant) sans ajouter malheureusement un quelconque intérêt.

 

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