Super État

(titre original : Super-state, a novel of the European Union forty years hence)

 

Roman paru aux éditions Métailié, traduit par Daniel Lemoine.

Par rapport aux louables intentions affichées quant à la nécessité pour l'humanité de penser l'avenir, le résultat est franchement décevant. On a l'impression de lire de la science-fiction des années 70, au point qu'Aldiss semble souvent essayer de "faire du Brunner", notamment par l'utilisation d'une voix (les spams d'une organisation appelée les Foudéments) chargée de relayer la pensée de l'auteur ou tout du moins une vision critique du "monde en marche". C'est raté. Cela reste forcé et incongru, et pas assez percutant et tourbillonnant pour masquer la pauvreté de l'intrigue. Là où les grandes dystopies classiques (référence à Huxley mise en exergue) étaient réellement visionnaires, celle-ci ne fait que ressasser des thèmes battus et rebattus, sans profiter de ces décennies d'avance. Même le fait majeur qui a complètement modifié entre-temps notre perception du futur, le réchauffement climatique, est traité en simple décor sans rien amener de neuf. Bien sûr, on peut y voir une volonté de l'auteur, celle de montrer une humanité perpétuellement occupée par ses futilités et incapable de voir le changement même quand il se produit. Mais le sous-titre "l'Union Européenne dans quarante ans" annonçait autre chose. Or, il n'y a rien de précis sur le sujet. Le roman pourrait concerner dans ces grandes lignes (et il n'en a pas de petites) n'importe quel pays n'importe quand. Dans ces cas-là, l'auteur de science-fiction moyen a au moins la décence d'inventer une planète extraterrestre pour ne pas se fourvoyer dans des promesses géopolitiques non tenues. Cette chronique intemporelle des peurs, des vanités et de la courte vue des sociétés occidentales en général semble plus symptomatique d'un manque de profondeur que d'une volonté de mettre en scène l'uniformisation.

Le roman est sympathique par son ton narquois, mais le genre de la politique-fiction requiert d'autres qualités, comme une vraie analyse qui donne alors plus de poids à un humour cinglant. Avec des personnages à peine effleurés et un contexte juste survolé, les passages qui peuvent arracher un sourire prennent moins d'ampleur.

Ce qui n'arrange rien, c'est que je n'ai jamais vu un livre publié contenant autant de fautes d'accord - des "s" oubliés en veux-tu en voilà. On sait que la science-fiction est parfois traitée avec désinvolture par les éditeurs quant à la correction syntaxique indispensable, mais on atteint là le bouquet.

 

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