Terremer
(titre original : The dispossessed)
Trilogie d'Ursula Le Guin, parue chez Ailleurs et Demain et au Livre de Poche dans une traduction révisée par Patrick Dusoulier.
Livre I : Le sorcier de Terremer (A Wizard of Earthsea)
Livre II : Les tombeaux d'Atuan (The Tombs of Atuan)
Livre III : L'ultime rivage (The Farthest Shore)
Sur la planète Terremer (dont le lecteur n'aura qu'une projection plane, une constante dans la fantasy, dont l'ambiguïté n'est jamais totalement levée par le récit...), la magie est fondée sur le pouvoir des noms, introduit en 1964 dans une nouvelle : celui qui connaît le "vrai nom" de chaque chose, mais aussi de chaque personne, détient un pouvoir sur elle. Révéler son vrai nom est par conséquent comporte par conséquent un risque de vulnérabilité, et ne se conçoit que vis-à-vis d'authentiques amis. Cette parabole sur l'intimité, qui ne saurait être dévoilée que dans une relation de confiance, est un des éléments qui font de Terremer une œuvre humaniste que Le Guin a voulu en rupture avec la fantasy classique.
Premier volet, Le sorcier de Terremer est un roman d'apprentissage qui suit les pérégrinations d'un jeune enfant au talent prometteur, Épervier (vrai nom : Ged), qui est envoyé à l'école des Sorciers. A posteriori, celle-ci a des airs familiers à cause d'un certain Harry Potter trente ans plus tard, mais J.K. Rowling portait des couches quand ce roman a été écrit... La comparaison vaut aussi en que ce récit d'initiation s'appuie sur un scénario assez mince. On retrouve le défaut propre à la fantasy selon lequel le voyage d'une île à l'autre suffirait à construire une intrigue.
C'est en cela que Les tombeaux d'Atuan est le meilleur roman des trois. C'est le seul à respecter - longtemps - une parfaite unité de lieu, et pour cause puisqu'il relate le destin d'une jeune fille nommée gardienne des Tombeaux Sacrés, gigantesque construction souterraine labyrinthique où elle est seule autorisée à pénétrer, car elles sont le royaume des Puissances Anciennes. La construction du récit par Ursula Le Guin n'utilise donc aucun artifice et met en place cet ordre ecclésiastique immuable pour mieux en révéler les failles, entre les principes théologiques et les motivations réelles des personnages. En quittant ce lieu central du récit, la fin ne paraît plus à la hauteur de ce patient travail.
Le troisième tome, L'ultime rivage, "reprend la mer" sur le vénérable voilier Voitloin, et poursuit l'exploration. Épervier/Ged est maintenant un vieux mage respecté qui a appris la patience et l'usage raisonné de son art. Mais la magie se perd, dit-on, dans de plus en plus de contrées, or elle tient un rôle central dans l'économie et en particulier l'artisanat. Épervier/Ged est accompagné d'un jeune prince, Arren, qui suivra à son tour son apprentissage à ses côtés. La quête se clôt en un conte philosophique, bien plus abstrait et théologique, et bien moins destiné au jeune lectorat que le premier volume.