1984
Roman de 1948 de George Orwell.
Chapitre I (thèse) : le personnage principal est épié de partout par un système totalitaire, il peut à peine bouger ou penser librement.
Chapitre II (antithèse) : finalement, il rencontre une fille et ils vont gambader joyeusement dans la forêt comme si de rien n'était, libres comme l'air.
Chapitre III (synthèse) : ben non, c'était pour déconner, ils sont emprisonnés, et il n'y a plus d'espoir.
Cette structure bien peu originale est caractéristique de ce roman un peu trop caricatural. Afin de faire passer son message, Orwell a tendance à en faire trop, et la description est tellement évidente et exagérée qu'elle perd une grande partie de sa valeur.
Bien sûr, la dénonciation des méthodes est intéressante : privation des libertés, usage de la délation et de l'émulation haineuse, falsification de l'histoire, doublepensée... Le parfait attirail d'un système totalitaire est ici parfaitement décortiqué à en devenir effrayant, car dangereusement inéluctable. Mais Orwell en rajoute afin de nous montrer à toutes les sauces qu'aucun espoir n'est possible (ce qui a par ailleurs le mérite de nous présenter de façon plus juste la vie dans un système totalitaire, où la résistance n'est pas toujours si facile) : il essaie de nous prouver que ce système se maintiendra, alors que la société qu'il décrit ne paraît pas viable économiquement et socialement. Elle n'a d'ailleurs plus d'idéologie fondatrice, et on en vient à se demander pourquoi la majorité de la population (les pauvres) occupe une position relativement enviable puisqu'elle est considérée sans intérêt et n'est donc pas soumise à toutes les restrictions de libertés. C'est en fait qu'Orwell décrit une société qui a perverti tous ses fondements pour se nourrir uniquement de sa soif de pouvoir, mais le trait, trop largement grossi, manque du coup de subtilité.
Isaac Asimov a écrit à propos de ce roman et de la dystopie en général : << Je pense que c'est un livre épouvantable. S'il a eu un tel succès (à mon avis), c'est parce qu'il surfait sur la vague de la guerre froide qui faisait alors rage aux Etats-Unis. [...] [L'histoire] de la dystopie appuie inlassablement sur la même note : "N'est ce pas un monde épouvantable, épouvantable, épouvantable". Mais on ne peut pas bâtir une mélodie avec une seule note. >> (Mais le docteur est d'or, Pocket n°5621).
Dans le registre des descriptions d'une société où l'obéissance individuelle et la méfiance du voisin assure le maintien d'un système absurde, le onzième voyage d'Ijon Tichy de Stanislaw Lem, qui progresse lentement vers un dénouement ironique et surprenant, me semble nettement plus intéressant.