L'archipel du rêve

(titre original : The Dream Archipelago)

 

Recueil de nouvelles de Christopher Priest paru chez Denoël dans la collection Lunes d'Encre (puis chez Folio SF avec une nouvelle de plus, Vestige), traduit par Michèle Charrier.

Christopher Priest revient dans l'Archipel du Rêve, et ose aborder cet univers onirique sous la forme d'un... guide touristique. Il fallait oser utiliser cette forme littéraire pour décrire un territoire où nul n'ira jamais : descriptions géologiques, conseils de voyage. Elle se prête assez bien à son humour froid et détaché, qui fonctionne par allusions. Tenir tout un roman sur cette forme, en décrivant des îles par ordre alphabétique, sans ennuyer serait un tour de force... et Priest biaise.

C'est en ayant conscience que mon indécence que j'ouvre cette recension par une petite chronologie. Je sais, c'est presque un blasphème pour parler de Priest ; pourquoi pas une carte tant qu'on y est ? Une petite mise en perspective est tout de même utile. Christopher Priest a écrit les premières nouvelles de l'Archipel du Rêve en 1978 et a clos le cycle trois ans plus tard par la publication du roman La fontaine pétrifiante (The Affirmation en anglais, soit le contrepoint de la nouvelle The Negation), qui évoque la genèse onirique de cet archipel. Pendant vingt ans, Priest a écrit uniquement des romans : il ne se considère pas comme un auteur de nouvelles, qu'il considère comme un "art de l'exactitude" dont le maître absolu serait Ballard.

Puis, en 1999, Priest ajoute un texte introductif pour introduire le "vortex" et donner un fondement scientifique (une déformation temporelle qui n'est pas sans rappeler Le monde inverti) au monde de l'Archipel du Rêve, et révise ses nouvelles, principalement pour ajouter ce détail. Il écrira par la suite deux nouveaux textes, The Discharge (traduit par "La libération", ou par "Retour au foyer" dans le recueil Destination 3001) puis Vestige, qui seront ajoutées dans les traductions françaises du recueil.

Le cadre d'origine du monde de l'Archipel du Rêve est un évident héritage de la Guerre froide : les deux grands blocs antagonistes du continent nord, la Fédération et le Faiandland, mènent une guerre perpétuelle "délocalisée" sur le continent sud presque inhabité, tandis que les eaux équatoriales sont parsemées de ces îles insouciantes et mystérieuses, qui représentent un refuge autant qu'un danger.

Les nouvelles qui s'y déroulent sont construites comme des fantasmes oniriques mettant en scène tentations et phobies. Comme des rêves, elles laissent moins un souvenir précis que des impressions diffuses, impalpables et pourtant fortes et pénétrantes. Elles laissent ainsi entrevoir des thèmes récurrents que sont le désir et la peur de l'échec. Une littérature esthétique qui joue avec la perception du lecteur (La cavité miraculeuse est un modèle du genre) et s'adresse donc à ceux qui n'ont pas peur de rêver.

 

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