I.G.H.

(titre original : High Rise)

 

Roman paru dans la collection Dimensions SF de Calmann-Lévy, traduit par Robert Louit.

Robert Silverberg exagère. Ses monades urbaines faisaient près de mille étages et frisaient le million d'habitants, réparti des basses couches aux hauts dirigeants. Jim G. Ballard, lui, est quelqu'un de plus mesuré. Son IGH (Immeuble de Grand Hauteur) se contente de quarante étages et deux mille occupants. De plus, ceux-ci sont choisis parmi les classes moyennes aisées, principalement des professions libérales. On a donc dans l'essentiel un background culturel et des intérêts communs. Non pas d'ailleurs que l'on prête particulièrement attention à la vie sociale... L'important, c'est la fonctionnalité, excellente dans cet immeuble ultra-moderne, qui a une école et une galerie commerciale incorporées. Tout a été pensé par l'architecte Anthony Royal, qui loge lui-même dans sa création, tout là-haut, dans son appartement en terrasse du quarantième.

Entre les réceptions que l'on donne chaque soir dans cette bonne société, les seuls petits soucis sont donc de simples chicaneries de voisinage. Sauf que l'on constate tout de même que des divergences se font jour entre les bijoutiers et analystes financiers du haut, et les masseuses et techniciens de cinéma du bas, parmi lesquels Richard Wilder, un ex-rugbyman réalisateur de documentaires pour la télévision, et qui compte en préparer un sur la vie dans la tour. Entre les possesseurs de chiens (du haut) et les gens avec enfants (du bas), la tension monte...

James Ballard soutient que si "la plupart des individus ne sombrent pas dans un comportement antisocial, c'est par égoïsme, parce que cela n'est pas dans leur intérêt. Il suffit d'un rien pour que tout bascule dans une violence primitive." Son travail est donc de pousser légèrement de façon à provoquer ce basculement.

Comme dans Crash !, l'objet moderne et technologique est le vecteur de la violence, d'un retour de l'homme à ses instincts brutaux. Pour Ballard, cette primitivité n'est pas une régression historique vers un quelconque état de barbarie pré-humaine, car les individus sont au contraire complètement imprégnés de la civilisation qui les a produits, c'est plutôt une régression en soi. C'est le sujet psychanalytique qui l'intéresse, mais celui-ci ne peut se concevoir qu'au sein d'une société déshumanisante, à travers l'exploration de ses plus belles réalisations. Après l'automobile, l'habitat. Sous les apparences de normalité, de calme, de progression logique, les personnages qui assument leur évolution vers l'explosion de tous les tabous. Ballard met les pulsions à nu, il n'a pas besoin de mille étages pour faire couler le sang. La réalité est assez excessive pour lui, et déjà trop pour nous, après qu'il l'a passée à son bistouri.

 

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