La ville est un échiquier

(titre original : The squares of the city)

 

L'urbaniste australien Boyd Hakluyt a l'honneur d'être choisi pour s'occuper de Ciudad de Vados, capitale d'Aguazul, une ville considérée comme la plus belle réussite au monde en matière d'urbanisme. Mais il se retrouve en fait piégé dans les luttes politiques du pays dans lesquelles il sert en réalité d'alibi.

Ne connaissant rien aux échecs et n'ayant de toute façon pas accès à la documentation nécessaire, il m'est difficile de juger la prouesse de ce livre. Ce qui me gêne surtout est la naïveté excessive dont fait preuve le personnage principal face à la situation politique du pays. Probablement Brunner veut-il condamner l'attitude de ceux qui se prétendent apolitiques, mais la neutralité du personnage est agaçante. C'est peut-être volontaire si Brunner veut faire un compte-rendu objectif et sans a priori.

Je ne peux m'empêcher de faire un aparté sur l'objectivité des romans de Brunner. A part le Troupeau aveugle, livre plutôt militant, ils sont en effet paradoxalement objectifs : dans Sur l'onde de choc, les débats entre les personnages ne sont pas biaisés par l'auteur, qui aurait facilement pu dénigrer les arguments de l'un par des constructions stylistiques partiales. De même, dans Tous à Zanzibar, la réalité nous est livrée crûment. Rien (et surtout pas Chad Mulligan !) ne nous oblige à prendre parti ou à nous révolter contre les pratiques eugéniques. Rien, sauf notre conscience (le lecteur ne doit donc pas être qu'une éponge passive ; on s'attend à ce qu'il réagisse). C'est ce qui en fait un livre si complexe.

Complexe, la Ville est un Echiquier l'est aussi sûrement, même s'il m'est difficile d'en appréhender toutes les ficelles compte tenu de son caractère conceptuel, sans en déflorer la substance. Il reste néanmoins un bon roman sur les manœuvres politiques en Amérique Latine, et par son ambition, il est le premier ouvrage à avoir attiré l'attention sur cet écrivain.

 

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