Le ciel est mort

 

Ce recueil de nouvelles de John W. Campbell est paru chez Ailleurs et Demain puis au Livre de Poche. Traductions de Michel Deutsch et Francis Valéry.

La bête d'un autre monde (Who goes there ?)

Dans une station de l'Antarctique, des scientifiques mettent à jour une créature extraterrestre congelée dans les glaces depuis des millénaires, et qui présente une capacité de mimétisme parfait de toute espèce vivante... Outre ses deux adaptations cinématographiques officielles (dont The Thing de John Carpenter), cette nouvelle a été allègrement pompée par de multiples séries télé de SF... Le signe qui ne trompe pas et qui détermine un texte fondateur.

Cécité (Blindness)

D'un extrême à l'autre... Quelques années avant d'être considérée comme la source de tous les maux du fait de sa récupération militaire, l'énergie atomique est encore vue à la fin des années trente avec des yeux de Chimène (voir Slan). C'était l'époque où l'on avait encore foi en l'image - qui était sur le point de disparaître dans les faits - du scientifique isolé capable de mettre au point des technologies révolutionnaires. Avec une vision aussi naïve du progrès, l'énergie gratuite et facile d'accès tend les bras (voir Le flot du temps). Une croyance qui a retardera longtemps encore la prise de conscience de la difficulté des enjeux énergétiques.

Points de friction (Frictional losses)

Campbell ne supportait pas l'idée d'extraterrestres qui ne seraient pas dominés intellectuellement par les humains, et c'est pourquoi Asimov, qui ne voulait pas céder à ce sentiment de supériorité de son espèce, avait préféré ne pas mettre en scène d'ET dans ses textes de l'époque. On retrouve cette glorification du génie humain dans cette nouvelle à l'esprit militariste où l'invasion extraterrestre n'est considérée que comme une force belliqueuse et destructrice, sans autre explication.

Suicide (Dead knowledge)

"Je me demande s'il ne s'agissait pas de quelque chose d'inexprimable. La véritable solution réside peut-être dans l'impossibilité de toute explication." Un temps, on se prend à y croire, tant ce texte démarre de façon atypique. Campbell ferait-il une entorse à sa définition de la science-fiction en se contentant d'une nouvelle psychologique ? Non, car "à quoi bon enfiler des mots les uns au bout des autres" s'il n'y a pas une conclusion logique pour justifier tout ce qui précède... On y retrouve l'exaltation de l'esprit de sacrifice déjà présente dans Points de friction.

Élimination (Elimination)

Campbell ne place pas la technologie au-dessus de tout. Il sait aussi se méfier de ses effets pervers : la connaissance est parfois dangereuse... Cette nouvelle dénote une certaine influence de la physique quantique alors en plein essor, car on retrouve certains de ses principes utilisés de manière détournée.

Crépuscule (Twilight)

Cette nouvelle, qui pâtit malheureusement d'un style très pesant, révèle pleinement l'autre face de Campbell, la part d'ombre de l'enthousiasme communicatif, où le doute point sur le sort de l'humanité. La description de sa décadence par asepsie préfigure les thèmes chers à Cordwainer Smith, qui ne situe pourtant pas dans la filiation campbellienne.

Le ciel est mort (Night)

Prolongeons encore le mouvement amorcé dans Crépuscule. Même si, selon des hypothèses énergétiques optimistes, les machines survivent à l'homme, elles succombent elles-mêmes tôt ou tard à l'entropie. Enfin un authentique récit de "fin du monde" (terme trop souvent galvaudé). Campbell, en dépit ou peut-être à cause de sa passion pour le progrès technologique, n'en avait pas moins conscience de l'inéluctable, que la distance ne rend pas moins angoissant pour qui se voue au futur. Si on lui a souvent reproché ses œillères, cela prouve que Campbell était fondamentalement lucide.

Aesir (The Story of Aesir)

Après ces visions de déchéance, retour à une histoire plus commune où le désespoir n'est plus un objet de contemplation mais une arme comme les autres. Nouvelle ode à l'intelligence humaine et au technicien génial qui réinvente à lui seul les lois de la physique.

 

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